Beckerich est un petit bourg du Grand Duché de Luxembourg de 2200 habitants. Sa particularité : une politique énergétique et environnementale ambitieuse qui lui confère une renommée internationale. Avec 90% de sa consommation énergétique issues des énergies renouvelables, elle se dirige d’un pas sûr vers l’auto-suffisance.
Tout commence avec un seul homme, Camille Gira. Elu maire de Beckerich en 1990, il entreprend le renouveau de la politique municipale afin de redynamiser la commune confrontée à un exode rural important. Beckerich adhère à l’Alliance pour le Climat en 1995. Cette alliance engage les communes européennes parties prenantes à réduire leurs émissions de gaz carbonique de 50% à l’horizon de 2010, et à promouvoir une politique internationale axée sur la protection des forêts tropicale qui associe les pays en voie de développement.
Pour se donner les moyens de ses objectifs, la commune déploie un plan vert global centré sur sa politique énergétique. Une association est créée, Réidener EnergiAtelier, qui emploie à plein temps un conseiller énergie, afin de rationaliser la consommation énergétique et de réaliser des économies d’énergie. Celle-ci déploie une grande campagne de sensibilisation auprès des habitants de Beckerich et des communes avoisinantes. La consommation en eau potable diminue de plus de 15%. Un système de télégestion de l’éclairage public mis en place en 2003 réduit par deux la luminosité des rues au cours de la nuit et permet de baisser de près de 20% la consommation globale d’électricité.
Rapidement, la politique mise en œuvre par la ville démontre son efficacité : en trois ans, la consommation énergétique de Beckerich baisse de 4% tandis que celle du Luxembourg augmente entre 1% et 2%. Beckerich revoit ses objectifs à la hausse et vise l’autarcie énergétique d’ici 2025.
Pour cela, la commune recentre sa stratégie sur le développement des énergies renouvelable. La diversification des sources d’approvisionnement devient son mot d’ordre avec l’exploitation des technologies solaires, éoliennes et de biométhanisation. Le but est autant écologique que la protection des particuliers, et notamment des ménages à faibles revenus, face à la montée en flèche du prix du baril de pétrole.
En 2004, la coopérative agricole Biogas Bieckerech se constitue. Elle réunit 19 agriculteurs qui prennent en charge une centrale de cogénération de biogaz située sur l’une des fermes. Ils fournissent la matière première (du lisier et du fumier) destinée à la production des quelques 4 450 000 kWh d’électricité par an assurant l’alimentation de près de 700 ménages. Un réseau de chaleur est également mis en place afin de raccorder les villages voisins. Quatre éoliennes d’une puissance de 1,8 mW chacune sont construites. En matière d’énergie solaire, la stratégie de la ville innove par ses modes de gestion. Les toits de bâtiments communaux ont été mis gratuitement à la disposition de citoyens organisés en copropriété pour y installer des panneaux solaires. Ce système permet aux habitants qui ne disposent pas d’emplacements personnels, ou dont l’exposition est peu favorable à une installation photovoltaïque, d’accéder à cette source d’énergie renouvelable. La société privée Energipark Reiden gère pour eux l’installation, l’exploitation, la maintenance des panneaux et redistribue à chacun les bénéfices : les risques, les inconvénients et la charge de travail pour les individus sont minimaux. Cette gestion en copropriété a permis à 15% des ménages d’investir dans l’énergie solaire.
Enfin, une chaudière à bois, mise en service en novembre 2008 fournit à peu près 40% de toute la chaleur consommée sur la commune. Beckerich est déjà bien avancé sur le chemin de l’indépendance énergétique.
Selon Camille Gira, le véritable succès de la ville est d’avoir su mettre en œuvre une coopération de qualité entre tous les acteurs du développement durable : le secteur privé, les services municipaux et les citoyens de Beckerich. Les systèmes innovants d’installations photovoltaïques en copropriété ou la coopérative Bieckerech Biogas incarnent cette gestion environnementale sur le mode de la gouvernance. Ainsi, pour l’initiateur de cette aventure, le développement durable n’est plus une question de technologie, mais bel et bien de volonté politique. Non seulement Beckerich est en bonne voie pour atteindre l’autosuffisance énergétique d’ici 2025, mais elle renforce également son attractivité économique, son potentiel touristique et son dynamisme local. Le monde rural a désormais les clés en main pour en finir avec les termes de «désertification », « d’exode » ou de « dépeuplement ».
le 5 mai 2009 par Zita Tugayé, Eurêka 21
Pour en savoir plus :
Le site officiel de la Ville de Beckerich