Copenhague sort les rames pour échapper aux inondations !

En 1990, 59 inondations majeures étaient relevées dans le monde. En 2023, elles s’élevaient à 170 et 2021 fut une année record avec 222 inondations relevées sur Terre. Copenhague ne fait pas exception à la règle. Depuis quelques années, la ville connaît des pluies de plus en plus graves. Un exemple marquant est l’inondation de 2011, lorsque plus d’une centaine de millimètres d’eau sont tombés en une heure, entraînant près d’un milliard d’euros de dégâts. Cet évènement représente bien les aléas climatiques de la région : des pluies courtes, intenses et dévastatrices nommées “cloudbursts”. Aujourd’hui, la ville subit des volumes d’eau pluviaux qui augmenteront de 30 à 40% avant la fin du siècle. Parallèlement à ces phénomènes, on constate une multiplication des épisodes de sécheresse qui entraînent des feux et posent des problèmes liés à la gouvernance de l’eau.
Pour répondre à ces enjeux complexes, la ville de Copenhague et l’entreprise semi publique HOFOR (gestion de l’eau, de l’énergie et des eaux usées) ont décidé d’agir au niveau local à l’aide d’une panoplie de mesures complémentaires. Infrastructures grises, solutions naturelles et adaptation des modes de vie sont au programme depuis quelques années pour lutter contre les effets du changement climatique. L’ensemble de ces mesures a coûté jusqu’ici plus de 2 milliards d’euros, financés par les impôts mais également par un prélèvement sur les taxes de consommation d’eau des entreprises et des ménages. Ce prix est en réalité deux à trois fois moins élevé que celui que payerait la ville si des inondations continuaient d’impacter les infrastructures.
Tout d’abord, les quartiers ont été divisés en sept parties en fonction de la manière dont l’eau s’écoule dans la ville. Cette répartition en zones de captage permet d’évaluer la capacité de stockage nécessaire pour enrayer les inondations avec succès, car les égouts ne sont pas suffisants pour contenir toute l’eau en cas de forte pluie. Chacune des parties a rédigé un plan adapté à ses caractéristiques afin de pouvoir déverser les eaux de pluie, en contournant l’égout, dans des espaces sans risque de nuisance tels que le port, les lacs ou encore les zones vertes de la ville. De plus, afin de faire face aux évènements extrêmes, un réseau de tunnels a été construit à 20m de profondeur sous la ville, avec une capacité de 20m3 de stockage d’eau par seconde et sur plus de 18km. Tous les égouts y seront reliés d’ici 2027 afin de garantir une réponse efficace aux pluies de la même ampleur qu’en 2011, qui se produisent statistiquement tous les 100 ans.
Cette infrastructure est pensée pour les évènements extrêmes. Mais qu’en est-il au quotidien ? Là encore, des mesures existent pour rendre la ville plus résiliente, notamment des zones vertes inondables. La dés-imperméabilisation de plusieurs espaces de la ville et le réaménagement de parcs figurent parmi les pratiques mises en place. Par exemple, plus de 1000m2 d’asphalte ont été retirés dans le quartier de Tåsingegade pour y implanter des espaces verts récréatifs et sociaux. Dans un autre quartier, le parc historique Enghavepark est devenu un réservoir d’eau de plus de 22 000 m3 grâce à plusieurs adaptations, notamment la création d’espaces souterrains pour l’écoulement de l’eau vers des lacs, d’autres espaces verts ou même des fontaines. Si l’épisode pluvial est extrême, le parc peut devenir hermétique grâce à un mur de 1 mètre qui peut se fermer. L’eau contenue sous ce parc est ensuite utilisée par les agents de nettoyage de la ville, afin de diminuer la pression sur la ressource en prévision des épisodes de sécheresse.
D’autres mesures innovantes sont actuellement en phase de test dans la ville. L’une d’entre elle est un asphalte perméable nommé « Climate Tile » qui, grâce à de nombreux petits trous sur sa surface, permet à l’eau de s’écouler plus facilement et favorise le développement des plantes. Cet exemple illustre bien la vision systémique des porteurs de ce large projet : Copenhague ne doit pas seulement devenir une ville adaptée aux inondations, elle doit également améliorer la qualité de vie de ses habitants. Des mesures telles que l’implantation d’espaces verts ou l’amélioration des routes et du système d’égouts ont un impact social en permettant de créer de nouveaux espaces de rencontre et d’améliorer la qualité de vie dans des quartiers auparavant très bétonnés, mais aussi la santé, grâce une diminution du niveau de pollution de l’air. Les pratiques récréatives sont également positivement impactées : l’amélioration de la qualité de l’eau dans le port (plus de brassage d’eau grâce aux déversements réguliers) rend désormais possible une baignade à l’année.
En mêlant enjeux sociaux, environnementaux et sanitaires, la ville de Copenhague construit depuis 2014 un futur souhaitable pour ses habitants. Et ce n’est pas fini : des solutions innovantes sont toujours en phase de test et certaines infrastructures sont encore en construction. Le succès de Copenhague s’inscrit dans le mouvement plus vaste des « villes éponges ». A Zhengzhou en Chine, des jardins-réservoirs sont par exemple en construction. Aux Pays-Bas, les villes misent sur la gestion fluviale pour évacuer l’eau. Partout dans le monde, des prises de consciences ont lieu : il ne suffit pas de construire des infrastructures grises pour enrayer les inondations, mais il s’agit plutôt de déployer une panoplie de solutions holistiques et adaptées aux spécificités de chaque ville.