En moyenne, un Européen consomme trois planètes. Comment faire pour limiter l’empreinte humaine sur notre planète aux capacités de production et de renouvellement de celle-ci ? BedZED est un premier pas vers une solution soutenable.
Situé à proximité de Londres, le quartier de BedZED est l’un des premiers dès 1994 à relever le défi d’un développement à la fois urbain et durable. Ce quartier, de taille modeste, comprend 82 logements et 2500 m2 qui s’étendent sur 1,7 hectare. Le projet est pensé en amont sous une approche éco-systémique destinée à reduire de moitié l’impact de nos modes de vies sur l’environnement.
BedZED, ou Beddington Zero (fossil) Energy Development, est pionnier en son genre. Né de l’initiative de deux personnes, Sue Riddlestone et Pooran Desai, fondateurs de l’ONG environnementale BioRegional, le projet a été monté entre 1994 et 1996 en partenariat avec le cabinet d’architecte Dunster, écolo avant l’heure, et la Peabody Trust, fondation caritative spécialisée dans l’aide et l’accès au logement. Il vise à démontrer que l’on peut réduire notre impact sur l’environnement sans pour autant sacrifier notre confort moderne. Les premiers résidents s’installent en 2001 – 2002.
Pour la première fois, l’aménagement d’un quartier entier se fait dans une démarche intégrée, suivant le modèle d’une analyse de cycle de vie (ACV) où chaque fonctionnalité vise la performance environnementale. Cela concerne d’abord l’habitat : les ingénieurs se mobilisent afin de minimiser la consommation d’énergie et d’eau des résidants dans leurs gestes quotidiens : pré-équipement d’appareils ménagers à faible consommation d’énergie et d’eau, récupération des eaux de pluie, dispositif facilitant le tri et le recyclage des déchets, etc. Les bâtiments sont éco-conçus, ils comprennent une isolation thermique passive très importante, complétée par une centrale de cogénération fonctionnant au bois issu d’élagages récupérés dans les environs, et de panneaux photovoltaïques.
Puis, à l’échelle du quartier : la vie s’organise sous forme de boucle locale où la consommation se rapproche au maximum des moyens de productions. La moitié des besoins alimentaires est couverte par l’agriculture de proximité, la construction privilégie l’utilisation des ressources renouvelables locales et fait appel aux entreprises de la région. L’économie s’organise autour des services de proximité afin de limiter les déplacements en voiture. Un système d’auto-partage est mis à disposition des résidents. Des bornes alimentées par quarante panneaux solaires photovoltaïques rechargent gratuitement les véhicules électriques.
Le projet est convaincant, et les résultats sont à l’appui : comparé à des habitations classiques, le chauffage est réduit de 80%, la consommation électrique de 45% , celle d’eau de 50% et le volume des déchets de 70%. Les habitants de BedZED recyclent également deux fois plus que la moyenne, et aucune énergie fossile n’est consommée. Les performances écologiques et prouesses technologiques du quartier de BedZED sont en font un prototype en Europe. Pourtant, après bientôt une décennie d’existence du quartier, le bilan est nuancé. Les premières évaluations du programme démontrent que seuls 20% des investissements réalisés auraient suffi à atteindre 80% des résultats obtenus. Finalement, les mesures les plus simples à mettre en œuvre ont été la source des plus grandes économies, tandis que d’autres réalisations très coûteuses se sont parfois révélées inefficaces. C’est le cas de l’investissement colossal qu’a nécessité l’installation des panneaux photovoltaïques et bornes électriques, alors que seule une poignée d’habitants fait le choix d’un véhicule électrique, lui préférant largement le système d’autopartage. De manière générale, le quartier n’a pas atteint une taille critique permettant de réaliser des économies d’échelle, et de ce fait, certaines infrastructures perdent en rentabilité.
BedZED est un cas typique de projet top/down, conçu par une équipe d’experts et spécialistes chargés de penser à la place des futurs habitants. Ceux-ci n’ont pas pris part à la conception, ni à l’aménagement de leur quartier, et n’ont donc pu s’approprier des choix qui n’étaient pas les leurs. Malgré tout le travail de sensibilisation des habitants en aval, ceux-ci expriment leur lassitude à être exposés en vitrine du développement durable. Il semble que la participation étroite des citoyens à la conception et l’imagination de leur lieu de vie peut être la seule à l’origine d’un projet de vivre ensemble, permettant à un écoquartier de s’émanciper d’une stricte vision environnementaliste.
Malgré tout, BedZED reste une réponse pertinente face à l’ampleur des changements de nos comportements annoncés par la prise de conscience environnementale actuelle. Il transforme les contraintes en opportunité en faisant de nos modes de vie un atout pour la planète. Le changement est non seulement anticipé, mais valorisé. C’est au niveau même de nos modes de vie que les efforts environnementaux doivent se concentrer. Et cela nécessite une approche globale et intégrée, qui est précisément celle que l’expérience de BedZED cherche à adopter. Fort de son succès, BioRegional a élaboré en partenariat avec WWF le programme international One Planet Living, destiné à exporter un mode de vie durable partout dans le monde. Des projets s’inspirant du modèle sont d’ores et déjà en cours de réalisation à Londres, mais aussi en Chine, au Portugal ou en Afrique du Sud.
Zita Tugayé, Eurêka 21, mai 2009
Pour en savoir plus :
Le site officiel de BioRegional
Guide des quartiers durables par l’ARENE IDF