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BedZED : pionnier des écoquartiers -
L’INTERVIEW

L’écovillage de BedZED, situé à proximité de Londres, est l’un des pionniers en son genre. Il fait le pari audacieux d’un développement urbain durable. Et le remporte : avec une réduction de moitié de l’empreinte écologique de ses habitants, BedZED se pose en vitrine internationale du développement durable. Entretien avec Jennie Organ, chargée de communication à BioRegional, l’ONG à l’origine du projet.



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Jennie Organ, Responsable communication chez BioRegional

Eurêka 21 : Quelle est, selon vous, la clé du succès à BedZED ?

Jennie Organ : Nous avons réussi à mettre en place un développement réellement durable grâce à l’adoption d’une démarche holistique, et ce dès le début du projet. Cela implique de donner la priorité non seulement à l’écoconstruction des bâtiments, mais aussi à un style de vie écologique dans tous les domaines : alimentation, transport, déchets… Grâce à cette démarche, nous avons construit la durabilité dans l’ADN même du site, plutôt que de superposer cette dimension à la fin, comme c’est souvent le cas. Des critères environnementaux plus exigeants ont été pris en charge par une équipe d’ingénieurs, d’architectes, du maître d’œuvre et du commanditaire. Mais l’équipe de BedZED a aussi été élargie afin d’y inclure une association environnementale, un service d’autopartage, une entreprise de livraison de fruits et légumes, des résidents chargés de la gestion du système de compostage, du personnel pour animer le centre communal, un service de recyclage du papier, une compagnie spécialisée dans les énergies renouvelables, des sociétés de traitement des eaux, etc. La multiplicité des partenaires a permis de mettre en place tous les services dont le quartier avait besoin.

E21 : Et les difficultés ?

JO : L’une des principales difficultés a été l’usine de cogénération de chaleur et électricité de biomasse. L’usine, qui était un prototype, a été fermée en 2005 à la suite de la faillite de l’entreprise en charge de sa construction et de sa gestion. Le site n’est donc pour l’instant pas neutre en termes d’émissions de C02, puisque la demande en électricité est prise en charge par le réseau national. Le système écologique de traitement des eaux usées a également posé un problème en termes d’équilibre financier. Bien que le système fût performant techniquement, il nécessitait un salarié à plein temps pour le faire fonctionner et était plus énergivore qu’un système conventionnel. Pour ces raisons il a été supprimé et un nouveau système de traitement des eaux, un bioréacteur à membrane, a été mis en place et fonctionne bien.

E21 : Qui sont les acteurs clés ?

JO : L’idée du projet est venue de BioRegional et du cabinet d’architecture BDa ZEDfactory. Ils ont ensuite recherché un promoteur afin de financer le projet. Ils se sont d’abord tournés vers des promoteurs privés, mais ceux-ci n’avaient pas d’intérêt à innover. Le marché se portait bien à l’époque et ils gagnaient suffisamment d’argent avec leurs activités traditionnelles. Finalement, nous avons eu la chance de rencontrer l’association Peabody, qui a accepté d’être le promoteur de BedZED en grande partie parce qu’ils estimaient que les baisses de coûts de fonctionnement permettraient l’accès à ces logements par des personnes à faibles revenus. Le rôle du Conseil municipal de Sutton a également été décisif. Il a veillé à ce que le développement du projet suive les grandes directions du cahier des charges. Ils ont aussi vendu le terrain. Le service d’aménagement du territoire a été l’administration en charge du projet.

E21 : Comment avez-vous pensé la mixité sociale ?

JO : La municipalité de Sutton a inclut dans son plan d’aménagement une clause prévoyant un certain pourcentage de logements devant rester accessibles en termes de prix. Ainsi, 25 % des logements sont sociaux, ce qui représente environ 25 appartements. 25% sont dédiés aux professions clés [Personnes travaillant dans les secteurs clés de la société tels que la santé, l’enseignement, la police, les services sociaux, etc., ndlr], et 50% sont vendus sur le marché. Les personnes à faibles revenus peuvent prétendre à un logement social. Les salariés du secteur public ne sont en général pas bien payés et ne peuvent pas se permettre de prendre un crédit au taux du marché. C’est pourquoi la Peabody offre une option d’achat ou de location partiels qui permet aux professions clés d’investir dans le marché immobilier sans supporter la totalité des coûts du crédit.

E21 : Quelle est la place du citoyen ?

JO : Nous avons un centre communal « Le Pavillon » qui accueille les activités sociales du quartier. Il est très important d’imaginer un site qui encourage le développement d’un esprit de communauté. Ainsi, les voitures sont situées à la périphérie du quartier et nous avons aménagé des espaces pour que les résidents puissent se réunir et les enfants jouer, tels que le square du village, le champ ou le centre communal. D’après les campagnes de consultation des habitants, l’aspect de la vie à BedZED que les résidents apprécient le plus est cet esprit de communauté. Les gens connaissent bien mieux leurs voisins que dans d’autres localités plus grandes. Lorsque les premiers habitants ont emménagé, BioRegional a obtenu des financements afin d’embaucher sur une année un conseiller écologique auprès des résidents. Celui-ci organise des soirées et weekends afin d’initier les gens aux différents équipements collectifs propres à BedZED, tels que les services de livraisons de produits alimentaires locaux ou les activités de cyclisme. Ce type d’événements aide les gens à se connaître les uns les autres.

E21 : Les habitants ont-ils participé à la conception de leur futur quartier ?

JO : Avant le développement du projet, nous avons mis en place une consultation du public par des réunions dans les centres communaux, afin de mener une réflexion avec les résidents. Un des aspects clés mis en avant lors de ces réunions était la volonté de la part de la communauté existante d’aménager un terrain de foot, qui a donc été intégré au projet de BedZED. Ce type d’accord est courant au Royaume-Uni. Il existe une instance d’aménagement appelée « a 106 agreement » qui entre en jeu lorsque les promoteurs sont mobilisés afin d’élargir les équipements supplémentaires pour attirer de nouveaux résidents dans le quartier.

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Ecoquartier de Bedzed, Sutton, Royaume-Uni © Marcus Lyon

E21 : Quel est l’impact économique de BedZED ?

JO : BedZED est un quartier mixte comprenant des habitations et des bureaux, il a donc entrainé l’implantation de nouvelles activités dans le quartier à l’origine d’une centaine de nouveaux emplois. La banlieue de Hackbridge, où est situé BedZED, a accueilli près 300 personnes supplémentaires, résidents ou travailleurs.

E21 : Quelles recommandations pour une collectivité ?

JO : A bioRegional, nous pensons qu’il est préférable d’avoir recours à des technologies testées plutôt que des prototypes. Nous mettrions également en place des systèmes de management et de gestion sur le long terme. Et puis, nous consacrerions une moindre part du budget aux coûts de construction afin de mettre l’accent sur les installations, équipements et services qui facilitent des modes de vie durables.

E21 : Quelle sera selon vous l’évolution du quartier, ses perspectives d’avenir ?

JO : Un des défis à venir est la gestion sur place du site. Un agent d’entretien écologiste serait dans l’idéal employé pour prendre en charge la maintenance et encourager l’engagement durable des résidents. Il est aussi crucial de trouver une autre source d’énergie pour remplacer la centrale de cogénération qui ne fonctionne plus. On espère résoudre ce problème en 2009. Quant à ses perspectives, BioRegional travaille actuellement avec la commune londonienne de Sutton sur l’élaboration d’un plan durable à l’échelle de la ville. Ce plan, One Planet Sutton, est piloté depuis Hackbridge. BedZED a été le catalyseur de ce projet. BioRegional a également développé le programme OPL [One Planet Living, ndlr.], qui est une initiative globale reposant sur 10 principes de durabilité. Des projets de grande ampleur ont vu le jour en Chine, en Californie, au Portugal, aux Emirats Arabes Unis, ou même le futur site olympique Londres 2012.

Propos recueillis le 20 mai 2009 par Zita Tugayé, Eurêka 21

A découvrir : l’article d’Eurêka 21 sur BedZED !

Pour en savoir plus :
Le site officiel de BioRegional
Guide des quartiers durables par l’ARENE IDF

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