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Roul’Contact, itinérance en Pays Coeur d’Hérault. INTERVIEW

Roul’Contact est un camion-épicerie itinérant offrant des animations aux habitants des communes rurales du Pays Cœur d’Hérault. A travers des haltes de deux à trois heures dans cinq villages de l’Hérault, l’association propose des modules d’animation tels que de la poterie, de l’aide aux devoirs ou encore des temps de concertation, ainsi qu’une épicerie solidaire ouverte à tous, pour répondre à l’isolement et à la précarité qui touchent les territoires. Soutenu par le programme LEADER, Roul’Contact est aujourd’hui un vecteur de solidarité dans le département héraultais et a accueilli plus de 2 000 personnes en 2019. Claire Bernardo, directrice de l’association à l’initiative du projet, nous explique cette démarche originale, qui rassemble quinze professionnels de l’animation de la vie sociale et une centaine de bénévoles.



Eurêka 21 : Votre association existe depuis près de 20 ans. Comment a émergé l’idée de ce projet « Roul’Contact » ?

Terre-contact : Le projet Roul’Contact de camion épicerie solidaire est né en 2016, dans le cadre de l’association Terre-Contact qui existe depuis 20 ans. Notre expérience itinérante sur le territoire nous a alerté sur les besoins en alimentation de proximité, notamment pour les personnes en situation de précarité économique. Nous avons aussi constaté qu’il existait des situations d’isolement social assez importantes dans les zones rurales. Il a donc fallu créer une dynamique locale dans ces espaces qui subissaient l’absence de commerces et d’activités. Pour cela, nous avons développé un camion se déplaçant de commune en commune, amenant un lieu d’animation de la vie sociale et de convivialité dans les villages. Ce camion propose à la fois un espace boissons, activité -avec de la poterie, des arts plastiques-, un espace petite enfance, d’aide aux devoirs ou encore un atelier de réparation de vélos ainsi qu’une épicerie solidaire.

Eurêka 21 : Vers quel public est dirigé votre action ?

T-C : Aujourd’hui, l’initiative est ouverte à tous. Que ce soit des personnes seules, des gens âgés, des jeunes ou encore des familles provenant des localités où nous nous rendons ; tous sont les bienvenus. En ce qui concerne le projet d’épicerie, celui-ci est déterminé par l’accompagnement social qui peut exister à côté et il dépend donc de critères sociaux. Mais notre vœu futur est que l’épicerie soit ouverte à tous… malheureusement ce n’est pas encore le cas mais nous faisons en sorte d’évoluer vers cet objectif.

Eurêka 21 : Ces déplacements entre villages nécessitent une certaine organisation. Comment avez-vous fait ?

T-C : Nous avons renforcé et mis en place des partenariats avec les acteurs du territoire, que ce soit les communes, les communautés de communes, les élus, les commerçants locaux… cet aspect était primordial dans la réussite de notre initiative, tout comme le temps de travail collectif et d’échange. Il a également fallu passer par l’étape incontournable de la recherche de financements, qui prend beaucoup de temps… mais qui reste obligatoire. La concertation et la coopération ont ensuite permis de déterminer notre itinéraire, en partenariat avec les élus locaux. Une fois ce travail réalisé, la dernière étape a été de faire des « tests » dans les villages et de proposer aux habitants des rencontres afin de voir comment le projet pouvait s’y implanter.

(c) Terre-Contact

Eurêka 21 : Comment avez-vous été accompagnés financièrement dans cette démarche ?

T-C : Le volet « investissement » était totalement nouveau pour notre association. Nous avons dû trouver des partenaires pour monter le projet, ce qui constitue une grande partie du travail préalable à sa concrétisation. Le projet a été initié avec un financement participatif… mais puisque le travail de l’association se faisait à l’échelle du Pays Cœur d’Hérault, nous avons également sollicité des financements via le programme européen LEADER. Nous avons aussi été soutenu par le Conseil départemental de l’Hérault, les communes, la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAFF), par la Fondation de France, la Fondation AG2R La Mondiale ainsi que la Mutualité Sociale Agricole et par la Caisse d’allocations familiales.

Eurêka 21 : Comment ce projet a-t-il été accueilli par les habitants ?

T-C : Les réactions sont très positives. Les partenariats ont été construits sur le temps long ce qui nous a permis d’ancrer le projet sur les communes où nous nous rendions. Nous avons d’ailleurs rencontré les élus et beaucoup ont souhaité que ces actions perdurent et se renforcent dans leurs villages. Nous avons aussi eu quelques petites déconvenues, puisqu’il existe des communes où aujourd’hui nous n’allons plus, tout simplement parce que cette logique collective n’a pas émergé. Du côté des habitants, ça fonctionne plutôt bien. C’est un espace pour tous, bien repéré par les habitants des communes dans lesquels nous nous rendons, et qui s’est traduit par l’accueil de plus de 13 000 personnes en 2019.

Eurêka 21 : Ce projet s’est élargi avec « Roul’Contact alimentation ». Pourriez-vous nous dire quelques mots sur cette nouvelle dimension ?

T-C : Roul’Contact alimentation entend répondre au problème de gaspillage alimentaire local. Nous développons une “ramasse” locale, auprès des épiceries et nous récupérons ces invendus pour les cuisiner. Ces plats cuisinés peuvent ensuite être réinjectés dans l’épicerie solidaire Roul’Contact. Depuis septembre dernier, ce dispositif a été mis en place à titre expérimental mais l’association recherche encore des financements pour cette partie.

Eurêka 21 : Quelles sont vos perspectives aujourd’hui ?

T-C : Depuis septembre 2020, la tournée a repris mais nous avons fait le choix de maintenir un accès à la dimension « alimentation » du projet, en supprimant les activités collectives, ce qui est difficile puisque le côté itinérant nécessite un lien fort avec la population et un échange continu. Pour adapter notre action, nous assurons donc de nombreuses livraisons alimentaires en prolongement de l’épicerie solidaire. D’autre part, l’association a connu une augmentation du nombre de demande de bénévolats durant les périodes de confinement, notamment des volontaires de la réserve civique.

Eurêka 21 : Si vous aviez quelques conseils à donner pour développer des initiatives favorisant le lien social… quels seraient-ils ?

T-C : Le principal selon nous, c’est d’être en lien avec les acteurs du territoire, que ce soit la mairie, les habitants ou encore les écoles. C’est un aspect essentiel pour qu’un projet puisse être approprié par les populations locales. Il ne faut pas non plus avoir peur de se lancer. Une initiative telle que Roul’Contact est coûteuse sur le plan logistique puisqu’elle mêle l’alimentation, l’animation et l’itinérance… il faut avoir conscience de l’implication nécessaire et du nombre de professionnels à mobiliser. Du côté du montage de dossiers, plusieurs heures sont nécessaires pour trouver des financements et cela demande de l’énergie. Il est donc central de travailler ensemble et de mutualiser les forces car cela facilite le développement du projet et l’accès aux financements. Et ces efforts ont de beaux résultats : la solidarité se diffuse grâce au projet et elle émerge aujourd’hui entre les habitants de nos communes… !

Cette interview s’est déroulée le 24 février 2021, en présence de Stéphanie Larroque, cuisinière et animatrice, Julie Seux, épicière et animatrice et Aurore Dreiski, animatrice.