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A Thionville, l’utopie devient réalité

L’union fait la force, souvent aussi l’efficacité. Voici la leçon retenue par un grand nombre d’acteurs privés et publics impliqués dans le projet « Utopia », à Thionville (Moselle). Cette initiative vise à mettre en relation les acteurs du terrain afin de concevoir de façon collective des projets de développement local. Réunissant 40 partenaires comprenant aussi bien des associations que des organismes publics, ce projet contribue à dynamiser les relations entre toutes les forces vives de la ville et à promouvoir une approche ascendante au service de la qualité de vie des citoyens.



Impossible par définition, l’utopie imaginée par la ville de Thionville est pour autant un rêve devenu réalité. Tout commence en 2009, à l’initiative d’un groupe d’associations thionvilloises s’ouvrant en direction des populations fragiles, à la tête desquels se situe l’A.T.H.E.N.E.S (Association thionvilloise pour l’Essor de nouveaux espaces sociaux). Souhaitant rompre avec une tendance aux actions isolées portées par les acteurs associatifs, ces organismes décident d’entamer un parcours de connaissance réciproque et de mise en réseau de leurs compétences, le but étant de développer une méthode de collaboration nouvelle et de mener des projets communs, plus structurants.

Au printemps, l’équipe municipale se saisit de l’occasion et propose aux associations en question d’adhérer à la démarche au titre d’un partenaire comme un autre, tout en assurant, via son CCAS (Centre Communale d’Action Sociale), le suivi logistique de l’opération. Son rôle sera surtout de conforter la liaison entre les différents partenaires et la cohérence des projets à venir. L’idée est enthousiasmante, le nom du projet fait l’unanimité : « Utopia ». Au-delà de la référence au terme « utopie », c’est aussi l’acronyme de « Union Thionvilloise pour l’Optimisation des Pratiques Interassociatives ». L’objectif est clair : mener une action structurante et coordonnée entre les forces vives de Thionville, visant le bien vivre commun et le développement économique et social de la ville.

Une charte est rédigée présentant les valeurs, la méthode de travail et les engagements des partenaires. On y retrouve le principe fondamental de la démarche : « il s’agit de lutter contre la précarité relationnelle en mettant en place un développement local qui est une manière de repenser l’action publique à la fois en partant des besoins exprimés par la population du territoire concerné et en définissant avec l’ensemble des partenaires associatifs et institutionnels un projet global ».

Vingt sept associations, à vocation principalement sociale et humanitaire, signent la charte. En haut de la liste, la CCAS de Thionville, s’engageant à coordonner le fonctionnement d’« Utopia » et à fournir l’appui technique nécessaire. Quant à la méthode de travail, elle est basée sur des réunions plénières ainsi que sur des commissions thématiques pour stimuler l’émergence de projets communs.
Le succès est total : dès la deuxième année, de nombreuses institutions rejoignent le mouvement (caisse d’allocation familiale, Conseil régional, Sous-préfecture, assurance maladie, hôpital…).

Aujourd’hui, plus de 40 signataires (des associations et des institutions publiques) ont adopté la charte. La méthode de fonctionnement reste plus ou moins la même qu’au départ. Deux réunions plénières sont organisées réunissant tous les signataires de la Charte mais aussi d’autres acteurs du territoire et de simples citoyens. Au cours de ces réunions, les partenaires se connaissent mieux entre eux, s’expriment sur un pied d’égalité sur des questions variées relevant des enjeux du territoire et du développement local, repèrent les interlocuteurs institutionnels les plus adaptés pour faire valoir leurs positions, notamment dans le cas d’associations nouvelles. En outre, étant ouvertes à toute personne intéressée par l’initiative, ces réunions représentent aussi l’occasion de communiquer sur les valeurs et les résultats du projet. Au-delà de ces réunions plénières, 4 commissions de travail sont chargées d’alimenter la réflexion et les projets des partenaires. Trois d’entre elles (Emploi, Logement, Santé/Vie quotidienne) correspondent aux enjeux prioritaires définis par l’équipe municipale au moment du lancement de la démarche ; la quatrième (Jeunesse) a été ajoutée dans un deuxième temps, dans le but de mener une politique « globale » et « cohérente » pour et avec les jeunes.

Au sein de ces commissions, les projets émergent et font l’objet d’une analyse approfondie et transversale, permettant d’en mesurer tous les aspects, toutes les implications. Du fait de la diversité des acteurs impliqués, ces projets présentent une dimension innovante et répondent efficacement aux enjeux du territoire ; en outre, une fois montés, tous les projets sont défendus de manière collective, ce qui permet aux différents acteurs de se sentir plus armés face aux contraintes financières et administratives.
Le caractère transversal de ces initiatives est un point très important à relever, d’autant plus si on considère que certains projets sont le résultat d’un travail commun entre plusieurs commissions, visant à aborder des questions variées, relevant du domaine économique, social ou environnemental. Ainsi, la mise en partage de différentes compétences permet l’émergence de projets structurants.

Après 5 ans, un nombre important d’actions et d’équipements a été réalisé dans le cadre d’ « Utopia », dans les domaines de la petite enfance, des seniors, des initiatives solidaires à l’insertion, de la santé, de la vie associative, etc. L’effet de ces actions dépasse d’ailleurs les frontières de la commune. Le projet intitulé « Taties à toute heure » en est un exemple : ce projet a mis en place un service d’accueil à domicile pour les familles avec des horaires de travail atypiques, incompatibles avec l’accueil collectif traditionnel. Dans un premier temps, des femmes en recherche d’emploi ont été formées à la garde d’enfants par une association d’aide à domicile, qui en est devenue l’employeur ; ensuite, des accords ont été stipulés avec la CAF et la ville afin que le coût du nouveau service pour les familles ne soit pas plus important que celui de l’accueil collectif. Ce projet est aujourd’hui porté par la CAF de la Moselle au niveau départemental, et plusieurs communes l’ont déjà expérimenté.
Par ailleurs, au-delà des projets réalisés, « Utopia » a aussi permis de faire émerger un esprit de travail différent au sein de tous les autres services de la ville, basé tant sur le mise en partage des compétences et de moyens que sur une approche ascendante, permettant de rester à l’écoute de tous les acteurs du terrain et de répondre efficacement aux défis du territoire.

« L’Utopie est simplement ce qui n’a pas encore été essayé » disait le scientifique et humaniste français Théodore Monod : le projet thionvillois en est bien la preuve.

Eurêka 21

© (photos) Site web de la Ville

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