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A Tower Hamlets les femmes sont entreprenantes ! – L’INTERVIEW

Le district de Tower Hamlets n’accueille pas seulement un riche centre financier et d’affaires à Londres. Zone des plus démunies au Royaume-Uni, il forme une grande partie de l’East End. Sa population, à plus de 30% d’origine bengalie, est essentiellement issue de l’immigration. Les femmes du quartier s’insèrent avec difficulté socialement et professionnellement. Afin de leur garantir une certaine indépendance économique et financière, l’association Account3 a mis en place un programme de formation et de conseil à l’entrepreneuriat. Tony Meredew, directrice de l’association Account3, revient sur son succès : la création de près de 70 entreprises en moins de deux ans.



Eurêka 21 : Pouvez-vous nous présenter Account3 ?

Toni Meredew : Account3 est un cabinet de développement personnel et professionnel destiné aux femmes issues des quartiers sensibles. Implantée depuis 1991 dans le district de Tower Hamlets, l’organisation propose un ensemble de services visant à assurer aux bénéficiaires une indépendance économique. L’organisation conseille, oriente et soutient les femmes du quartier dans leur démarche administrative et de recherche d’emplois. Nous proposons un ensemble de formations et d’activités visant à sortir les femmes de l’isolement dans lequel elles se trouvent parfois. Le projet « Entreprise des femmes de Tower Hamlets » s’inscrit dans cette démarche.

E21 : Comment est née l’initiative « Tower Hamlets Women Entreprise » ?

T.M. : À la fin des années 1990, il était devenu de plus en plus difficile pour les femmes issues de l’immigration de s’insérer professionnellement. La plupart accumulait les petits boulots sans jamais réussir ni à se stabiliser, ni même à gagner convenablement leur vie. L’objectif du projet était donc de les aider à acquérir leur indépendance professionnelle afin de leur permettre de concilier plus aisément vie familiale et vie professionnelle, ainsi que d’acquérir leur indépendance économique et financière.

E21 : Comment le projet a-t-il été lancé ?

T.M : Les personnes vivant dans le district ont très peu de compétences professionnelles, certaines ne maitrisant même pas la langue anglaise. L’association a lancé son programme en se basant sur une compétence facilement obtenable : l’acquisition du permis de conduire. Cela a donné lieu à la création d’entreprises de taxi ainsi que d’auto-écoles. Ces dernières nécessitent un capital de départ réduit et se rentabilise d’autant plus rapidement que le district de Tower Hamlets est très mal desservi par les transports. Face au succès de cette première initiative, nous avons par la suite décidé de renforcer notre programme d’aide à la création d’entreprise en soutenant tout type de projets. L’auto-entrepreneuriat nous est effectivement paru être une opportunité unique pour les femmes du quartier d’acquérir leur indépendance économique et financière.

E21 : Quelles ont été les actions mises en place par l’association ?

T.M : L’objectif était de montrer à ces femmes qu’elles avaient des talents cachés pouvant être valorisés. Nous avons adopté une démarche individualisée selon les besoins et les capacités de chacune. En partenariat avec des experts issus de notre réseau d’entreprises, divers modules de formation ont été mis en place afin de conseiller et d’orienter au mieux les participantes. Ils portaient sur l’ensemble des démarches et des étapes nécessaires au bon développement de toute activité commerciale du plan d’entreprise à la stratégie marketing. Un centre de documentation et de travail a également été mis en place afin de permettre aux femmes du quartier de s’isoler pour travailler et développer leur projet au calme. Enfin, un service de micro-finance a été créé permettant d’évaluer la faisabilité de chaque projet et éventuellement d’en financer le lancement.

E21 : Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

T.M. : Pour nous la plus grande difficulté a été de convaincre les femmes du quartier de l’intérêt de notre démarche. Celles ayant recours à nos services manquaient pour la plupart de confiance. Quant aux autres, il nous a été difficile de les toucher, la majorité des personnes vivant dans le quartier de l’East End étant issues de l’immigration et ne maitrisant souvent pas parfaitement l’anglais. Nous avons donc réalisé un démarchage à domicile afin d’expliquer et de convaincre de la pertinence de notre projet. La crèche mise en place par l’organisation a également été d’une grande utilité pour atteindre les mères célibataires et celles ayant une situation professionnelle précaire. La bouche-à-oreille a fait le reste.

E21 : Comment a évolué le projet ?

T.M : Le projet a permis de monter et de lancer plus de 70 projets d’entreprise allant du salon de coiffure à la petite fabrique textile. En deux ans nous avons ainsi permis à autant de personnes de retrouver un emploi et de stabiliser leur situation. 70% des femmes ayant participé au programme reviennent vers nos services au cours des deux premières années d’activités, que ce soit pour obtenir un complément d’information, une aide financière supplémentaire ou un conseil juridique. Certaines contribuent à enrichir notre réseau professionnel et interviennent parfois pour jouer à leur tour, le rôle d’expert thématique ou de relais au sein de la communauté. En moyenne, chaque entreprise soutenue par le programme a permis de créer deux à trois emplois après seulement deux ans d’activités.

E21 : Comment expliquez-vous le succès de ce projet ?

T.M. : Je pense que la réussite de ce type de projet passe nécessairement par la hiérarchisation des besoins. Il est important de bien identifier les attentes des personnes que l’on souhaite soutenir. L’aide et l’accompagnement opérationnel ne doivent venir qu’après. Seule une démarche individualisée s’adaptant au profil de la personne pourra véritablement se révéler être efficace.

Propos recueillis par Rémy Mazet pour Eurêka 21, Septembre 2011

A découvrir sur notre site : l’article consacré à l’initiative de l’association Account3 "Tower Hamlets Women Entreprise".

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