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Un brin de SEL dans les jardins de Pessac - L’INTERVIEW

A Pessac, près de Bordeaux, existe un jardin un peu particulier : le jardin de l’association Terre d’ADELES. Si à première vue il ressemble à un potager comme les autres, il s’agit en réalité d’un projet promouvant développement durable et lien social. Autour du jardin, un certain nombre de réalisations : insertion sociale, sensibilisation au développement durable, etc. Dorothée Eisenbeis, Présidente de l’association Terre d’ADELES, nous présente son projet et répond à nos questions.



Eureka21 : Présentez nous Terre d’ADELES…

Dorothée Eisenbeis : Terre d’ADELES a été créée en 2004 par la municipalité de Pessac qui soutient nos actions en termes de réseau et de logistique. Elle est issue d’un autre projet, le « Système d’Echanges Local des voisins », que j’avais à l’époque créé à Pessac avec des riverains. Nous avons décidé de l’étendre à davantage d’activités et avons ainsi mis en place Terre d’ADELES.

E21 : Quelles sont les principales missions de l’association ?

D.E. : Terre d’ADELES est organisée autour de quatre grands axes. Nous avons le jardin solidaire, appelé le Jardin d’ADELES, visant à créer du lien social, à diffuser de nouvelles manières de consommer et de produire, à développer la sensibilisation aux pratiques écologiques et durables. Nous avons aussi un axe « consommation », avec l’AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) : elle propose des services pour les consommateurs, mis directement en lien avec les producteurs via un contrat de livraison de produits à des prix fixés à l’avance. Elle propose également aux consommateurs de s’initier au travail de production agricole grâce à des chantiers supervisés par les producteurs. Les produits proposés sont toujours en lien avec les contraintes du temps, de la saison et du climat. Nous promouvons également les échanges entre adhérents de l’association ainsi que la formation d’un réseau social local fort. Nous menons des actions de sensibilisation des jeunes au sein des écoles, collèges, lycées et facultés. Nous recevons régulièrement des classes de lycéens et organisons des ateliers tournants autour des économies solidaires, de l’AMAP, ainsi que des activités plus ludiques. Nous faisons également de la formation axée sur le développement local, en accueillant des stagiaires en géographie et développement local. Enfin, le jardin entretient aussi des liens avec des centres sociaux.

E21 : Comment fonctionne le SEL de Terre d’ADELES ?

D.E. : Un SEL (Système d’Echange Local) est un système d’échange de produits ou de services construit en dehors du système monétaire officiel. Les membres de l’association peuvent réaliser des échanges de biens et de services sans avoir recours à la monnaie gouvernementale. Je faisais partie d’un premier SEL à Bordeaux (le SEL des voisins) que nous avons progressivement étendu pour créer l’association Terre d’ADELES. Les personnes se connaissent généralement dans un quartier mais le SEL permet de créer des relations plus fortes entre voisins. C’est un cadre permettant de demande de l’aide et de faciliter les échanges. Le SEL a plusieurs fonctions. Tout d’abord, il permet une consommation différente. Chacun emprunte ce dont il a besoin, mais n’achète pas. On donne au lieu de jeter : ceci permet d’éviter la surconsommation. Si quelqu’un a besoin d’un taille-haie, il va l’emprunter au voisin au lieu d’en acheter un qu’il n’utilisera que peu souvent. Ceci permet par exemple à des personnes au RMI d’accéder à certains services qu’ils n’auraient pas pu s’offrir sur le marché classique comme, par exemple, des cours de physique pour leurs enfants ou une location de voiture. En contrepartie, elles peuvent offrir leur aide au Jardin d’ADELES qui leur permet d’obtenir des « fraises » (nom de l’unité de SEL) pour les échanger ensuite avec d’autres personnes. Elles ont également accès à des paniers de produits du jardin ou à des produits vendus dans le SEL à des prix moindres. Il y a cependant une limite certaine au SEL : le temps nécessaire à convaincre les personnes qui en auraient vraiment besoin à s’inscrire.

E21 : Après plusieurs années d’existence, comment voyez vous évoluer votre association ?

D.E. : L’association s’est beaucoup développée depuis sa création. Nous avons commencé à une douzaine de famille et nous sommes maintenant près de deux cents. Le projet a commencé avec la création de l’AMAP. Le jardin solidaire demande beaucoup de travail et nous a amené à embaucher. Aujourd’hui, nous nous professionnalisons. Des voisins viennent nous aider et nous avons également ouvert des jardins partagés. L’association est de plus en plus complexe et difficile à gérer, sans que nous ayons pour autant plus de moyens.

Nous étions six employés, mais nous avons été obligés de réduire les effectifs à quatre. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un stade de développement où il faut redéfinir les limites. Un problème de pérennité va se poser si nous ne faisons pas évoluer les choses. Il faut aller outre le bénévolat, avec des emplois à mi-temps. Ceci implique de trouver des personnes intéressées par de tels emplois mais cela est vraiment difficile. Le problème des rémunérations est vraiment important. Pour ce qui est de l’accompagnement de jardins (chantiers publics, accueil de public, etc.), des techniques de jardinage et autres, on parvient à se financer. Ainsi, nous sommes rémunérés pour les visites des lycéens ou les formations que nous effectuons. Pour les projets transversaux, nous rencontrons en revanche des problèmes de financement. Nous avions auparavant des emplois aidés, mais depuis le 20 juillet, c’est devenu difficile. De plus, nous n’avons pas assez de fonds pour avoir des CDI bien rémunérés. C’est un réel frein à l’extension de l’association.

En France, on mise beaucoup sur le milieu association pour contribuer à la sensibilisation au développement durable et aux pratiques écologiques, mais avec le peu de moyen que nous avons, nous sommes mis à rude épreuve. De nombreuses associations ont déjà cessé d’exister du fait des problèmes de financement et c’est vraiment dommage !

Propos recueillis par Marie Weishaupt pour Eurêka 21, Août 2010

A découvrir également sur notre site : l’article consacré à l’association Terre d’ADELES.

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