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Les article sur le développement durable

Angers sur la piste du sport durable – L’INTERVIEW

La Ville d’Angers souhaite encourager les pratiques durables lors des manifestations sportives. Elle a donc montré l’exemple en participant à l’organisation du Championnat de France d’Athlétisme qui a reçu le label “Sport et dévelopement durable” du Comité Olympique Sportif Français. M.Olivier Lucas, Directeur adjoint à la direction Sport & Loisirs de la Ville d’Angers, revient pour Eurêka 21 sur l’organisation de lla compétition en juillet 2009.



Eurêka 21 : En quoi consiste exactement la démarche “sport et développement durable“ ?

Olivier Lucas : Cette démarche consiste à prendre en compte les 3 piliers du développement durable, à savoir la sphère environnementale biensûr mais aussi la sphère économique et surtout la sphère sociale au moment des choix dans l’organisation d’une manifestation sportive. Cela se concrétise par exemple, par la mobilisation des fournisseurs locaux et l’achat de produits équitables ou issus de l’agriculture biologique. Cela permet de faire le lien avec la dimension santé inhérente à la pratique sportive en sensibilisant les participants au problème de la malbouffe, des maladies cardio-vasculaires. La dimension sociale passe également par une prise en compte de la diversité des sportifs en fonction de leur sexe, de leur âge, de leur origine sociale ou culturel, de leur handicap... Enfin, il s’agit aussi de réduire au maximum le bilan carbone de la manifestation sans générer trop de coût supplémentaire. C’est une démarche intégrée impliquant une réelle concertation entre tous les pôles internes de l’équipe organisatrice et avec les partenaires extérieurs. Le label Sport & développement durable est un outil, un prétexte pour diffuser la logique de durabilité dans le quotidien de la pratique sportive.

E21 : La Ville d’Angers est présentée comme précurseur du label Sport et développement durable proposé aujourd’hui par le Comité Olympique francais. Quand est apparue cette volonté d’associer pratiques sportives et développement durable ?

O.L. : Ce label existe depuis 3 ans grâce à la collaboration avec le département local du Comité Olympique Sportif et l’Office Municipal d’Angers regroupant les clubs sportifs angevins. Il s’inscrit dans le cadre de l’agenda 21 du sport de la ville d’Angers. En 2006, à l’occasion d’une journée nationale de formation sur la participation sportive, le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) a invité les mairies et les associations sportives à une conférence sur “le Sport, le développement durable et la participation citoyenne”. Marco Blater, le président du Comité Olympique Suisse invité, nous avait alors présenté le prix “éco sport” qui intégrait la dimension environnementale dans l’organisation des manifestations sportives en Suisse. Le maire d’Angers nous a demandé de réfléchir à un programme basé sur cette expérience. Nous ne voulions pas intégrer la seule dimension écologique mais réunir aussi la dimension sociale et économique propre au développement durable. Un label francais a ainsi été créé en partenarial avec l’ADEME, l’Office Municipal des Sports d’Angers, le Comité Départemental Olympique et Sportif de Maine et Loire, et la Direction Départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative de Maine et Loire en 2007. L’idée a ensuite été déclinée par le Comité National Olympique Sportif Francais qui a lancé le label “Développement durable, le sport s’engage” en complément de la Charte sur le développement durable.

E21 : L’idée a t-elle immédiatement séduit les sportifs et les clubs ?

O.L. : Nous avons sensibilisé les associations organisatrices des manifestations sportives ou de championnats annuels s’inscrivant dans une logique de plus long terme. Nous les informons sur le label mais la démarche est volontaire. Pour les associations sportives intéressées, nous organisons des réunions afin de leur présenter les modalités de l’octroi du label et les bonnes pratiques. Elles doivent ensuite compléter un dossier reprenant leurs objectifs, les moyens et les modalités de mise en œuvre. La Mairie a, avant tout, une mission de conseil et d’expertise pour mener à bien les projets individuels et transmettre une grille d’évaluation. Elle avait déjà instauré un mode de vie sportif et durable qui ne se limitait pas aux manifestations ponctuelles. Dans toutes les installations sportives de la Ville, des poubelles de tri sélectif sont présentes, des détecteurs de présences pour les lampes automatiques ont été installés dans les vestiaires, les anciennes chaudières ont été changées et la consommation d’eau ou d’énergie est surveillée. L’objectif du label est bien d’inciter les associations à se poser les bonnes questions et à générer de nouvelles bonnes pratiques selon la spécificité de leur activité. Organiser une marche à pied et une compétition de natation sont deux choses très différentes. Les actions de développement durable sont donc multiples et aussi nombreuses qu’il existe de disciplines sportives. C’est à chacun de trouver des solutions spécifiques.

E21 : Quels conseils donneriez-vous à une collectivité locale, souhaitant mettre en place un programme similaire de labelisation ?

O.L. : Tout d’abord, travailler en réseau pour avoir un point de vue croisée sur les actions et sur leur bilan. Par exemple, à Angers, le jury octroyant le label est mixte et composé de représentants de la Ville d’Angers, d’acteurs du mouvement sportif et de professionnels du développement durable. Ensuite, communiquer sur les bonnes pratiques pour favoriser leur diffusion à un moindre coût pour les associations sportives. Enfin, travailler en interne avec les autres services municipaux pour ne pas se reposer uniquement sur les associations et proposer de réelles solutions de facilitation à l’innovation environnementale.

E21 : L’organisation en juillet 2009, du championnat de France d’athlétisme à Angers est emblématique. Comment s’est articulée la participation de la Ville dans l’organisation de la compétition ?

O.L. : L’Association “Angers,Terre d’Athlétisme” regroupant les divers clubs d’athlétisme d’Angers qui était l’organisateur principal. La Ville d’Angers était le partenaire principal puisqu’elle a mis à disposition le stade, le matériel, et les fonds nécessaires via une subvention de 100 000 euros. C’est le deuxième championnat de France d’athlétisme organisé à Angers et une troisième édition est prévue pour 2012. La Ville avait donc une certaine expérience dans l’organisation de ce genre de manifestation. La volonté d’introduire la dimension environnementale était déjà bien présente puisqu’au sein de l’association, plusieurs clubs avaient déjà postulé auparavant pour le label municipal. Le challenge était de porter de manière concertée un projet de grande ampleur. Nous sommes intervenus en mai dernier au colloque “Sport et Développement durable” organisé par le CNOSF afin de réfléchir à la question. Etaient présents un élu municipal, un représentant de l’association d’athlétisme et moi même.

E21 : Avez vous atteint vos objectifs en matière de développement durable ?

O.L. : Pour les championnats de France d’Athlétisme, le principal objectif était de toucher le plus large public possible. Tout d’abord il a fallu sensibiliser les organisateurs et les fournisseurs. Par exemple, pour le dîner de gala, l’association a demandé au traiteur d’introduire des produits bio et locaux dans le menu, de ne pas servir de l’eau en bouteille mais des carafes. C’était un choix certes plus coûteux mais plus engagé aussi. Ensuite pour toucher les sportifs, nous avons élaboré une Charte de l’éco-athlète incitant, entre autres, à utiliser des modes de déplacement plus propres comme le co-voiturage ou le train, à trier les déchets, à ne pas se doper, et à respecter les autres. Enfin, une collecte de matériel sportif était prévue pour aider au développement du sport de la ville de Bamako avec laquelle la Ville d’Angers est jumelée. Cette charte a été co signée par les athlètes, la fédération francaise d’athlétisme et l’association organisatrice. Nous avons également souhaité faire participer les 20 000 spectateurs présents, notamment sur le thème des déchets que ce genre de manifestation génère souvent en quantité très importante. Nous avons, par exemple, mis en place un système de verres consignés et recyclables à la buvette, qui a tres bien fonctionné. Des ambassadeurs du tri étaient répartis sur le site pour expliquer le fonctionnement du tri sélectif des déchets. Nous avons eu un excellent retour par le centre de tri. L’utilisation des toilettes sèches a aussi été une découverte, tant par les sportifs que le public. Ces déchets étaient ensuite recupérés et compostés pour être utilisés comme engrais par les agriculteurs de la région.

E21 : Quelles difficultés avez vous rencontrées pour introduire la dimension environnementale dans l’organisation de ce championnat ? Comment les avez vous surmontées ?

O.L. : Sur une manifestation, la difficulté principale est de convaincre les responsables de chaque commission spécialisée au sein de l’équipe organisatrice, de l’intérêt du développement durable. Un poste de coordinateur, chargé Développement durable a dû être créé. Il a réalisé un véritable travail de persuasion auprès des autres membres de l’organisation pour une approche véritablement transversale. Il a fallu, par exemple, convaincre le responsable des buvettes de l’avantage environnemental de laver les verres rapportés à la consigne, plutôt que d’utiliser des gobelets en plastique jetables. Finalement, cela a bien fonctionné. La collecte pour Bamako a été un peu moins bien relayée que prévu. Mais ce fut lié à un facteur extérieur : l’absence de l’athlète francais Ladji Doucouré, le parrain de l’action, empêché pour cause de blessure.

E21 : Quels sont les futurs projets de la ville d’Angers pour approfondir les relations entre sport et développement durable ?

O.L. : La municipalité souhaiterait passer du simple label à l’intégration systématique de la dimension durable. Elle mettra en place, à la fin de l’année 2010, “ l’éco-conditionalité” au soutien municipal. Pour toute demande de subvention, l’organisateur sportif devra s’engager sur un certain nombre de conditions liées au développement durable et les respecter. Nous adapterons ces exigences en fonction du projet et des moyens de l’organisateur mais nous les augmenterons aussi au fur et à mesure.

Propos recueillis par Marie Clémendot pour Eurêka 21, Avril 2010.

A découvrir également sur notre site : l’article d’Eurêka 21 sur le label "Sport et développement durable" initié par la ville d’Angers.

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