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Les villes en transition : utopie ou réalisme ?

L’histoire des villes en transition débute en 2005 à Kinsale, petite ville portuaire du sud de l’Irlande. Cette année-là, Rob Hopkins, professeur en permaculture, fait travailler ses étudiants sur un plan de descente énergétique pour la ville. L’objectif consiste à essayer d’imaginer comment la ville pourrait réussir sa transition vers un monde sans pétrole.



Conscient de la gravité du changement climatique et de la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, Rob Hopkins réalise que la véritable urgence réside dans l’avènement du pic pétrolier, c’est à dire le moment à partir duquel la production mondiale de pétrole se mettra à décliner irrémédiablement. La différence avec la crise écologique est que la crise pétrolière implique dès aujourd’hui de changer nos modes de vie.

En 2006, Rob Hopkins se rend à Totnes dans le Devon. Cette petite ville de 9 000 habitants dans le sud-ouest de l’Angleterre, est alors considérée comme une des places fortes de l’écologie en Grande-Bretagne, possédant un certain nombre de réseaux et de militants écologistes. Désireux d’aller plus loin, Rob Hopkins organise avec quelques amis une campagne locale de sensibilisation au pic pétrolier espérant ainsi rallier une partie de la population à son projet.

Il organise plusieurs ciné–conférences sur le sujet pendant lesquelles il est demandé aux spectateurs de réfléchir à ce que pourrait être une transition réussie à l’échelle de leur commune. Rapidement, la thématique interpelle et mobilise les habitants, qui décident de s’investir et de former une « initiative de transition » et de rédiger un plan de descente énergétique. Plusieurs groupes de réflexion se forment sur des thématiques diverses comme l’alimentation, le transport ou l’éco-habitat. Parmi la multitude de groupes écologiques, le groupe de transition apparaît comme une plate-forme d’échanges permettant de fédérer l’ensemble des expériences. Mais il permet surtout d’aller plus loin et d’imaginer collectivement la ville à 2030, une ville sans pétrole ou presque.

Pour ce faire, le groupe doit reconstruire ce que Rob Hopkins appelle la « résilience locale » de leur commune, la capacité d’un système ou d’un ensemble d’individus à encaisser un choc exogène sans s’effondrer. Rob Hopkins parle de reconstruction et non pas de construction car il est convaincu que les communautés locales ont perdu depuis la seconde guerre mondiale, de nombreux savoir-faire pratiques appauvrissant la société dans son ensemble. Il souhaite donc les reconquérir, les réapprendre notamment en revivifiant la vie locale et en suscitant plus largement le partage des connaissances.

La relocalisation des savoirs et des institutions économiques et culturelles est au cœur même du projet des villes en transition. Que ce soit l’agriculture, en plantant par exemple des arbres fruitiers dans les lieux publics ou en généralisant les potagers collectifs, l’économie avec des expériences de systèmes monétaires locaux, l’énergie, la démocratie, l’éducation ou encore la santé, tous les domaines de la vie quotidienne sont concernés.

Loin d’être cantonnés à la seule ville de Totnes, ces groupes étaient une cinquantaine en 2008. Ils sont aujourd’hui plus de 300. Le mouvement a effectivement acquis une dimension supplémentaire lorsque les militants les plus impliqués dans la transition ont élaboré une méthodologie reproductible. Le « Transition Handbook » traduit dans une dizaine de langues dont le français, l’allemand et l’espagnol se diffuse ainsi peu à peu sur la toile. Longtemps, cantonnées aux pays anglophones, ces expériences se multiplient à travers le monde, de Totnes à Bangkok en Thaïlande, en passant par El Manzano au Chili et Hayama au Japon. A qui le tour ?

Rémy Mazet pour Eurêka 21, Mai 2011.

A découvrir également sur notre site : l’entretien mené par Eurêka 21 avec Alan Clayton, membre du Conseil municipal et du groupe de transition de la ville de Kinsale.

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