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Avec Optymo, Belfort réinvente le transport en commun – L’INTERVIEW

A Belfort, le Syndicat Mixte des Transports en Commun s’engage en 2005 dans un plan de déplacements urbains innovant. Lauréat d’un ruban du développement durable en 2009, le projet Optymo vise à désenclaver le territoire et à améliorer l’accessibilité financière et physique des transports en commun tout en réduisant les émissions de gaz à effets de serre. Pari réussi puisqu’en moins d’un an le nombre de voyageurs a augmenté de près de 20% sur le réseau. Marc Rovigo, Directeur général du syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort nous explique comment ce double objectif environnemental et social a été atteint.



Eurêka 21 : Comment est né le projet Optymo ?

Marc Rovigo : Après le constat d’un réseau de transport en commun obsolète et vieillissant, l’équipe du Syndicat Mixte des Transports en Commun, présidée par Christian Proust, propose en 2004 une nouvelle politique de mobilité afin de moderniser et redynamiser un réseau de transport créé vingt ans auparavant. L’urgence se fait d’autant plus pressante que la compagnie perd à l’époque en moyenne 200 000 passagers par an alors même que le nombre de personnes sur les routes augmentent en moyenne de 2% chaque année. Il apparaît à la même époque peu probable qu’une ville moyenne telle que Belfort puisse absorber un tel trafic autoroutier. L’enjeu du projet Optymo est donc double puisqu’il doit à la fois désengorger la ville et ramener les usagers dans les bus.

E21 : Comment ce projet a-t-il été mis en œuvre ?

M.R. : Il a été nécessaire de tout remettre à plat. La fréquence à laquelle passent les bus a été considérablement augmentée afin que les horaires correspondent au mieux au mode de vie des habitants. Les grandes lignes ont été cadencées à 10 minutes et les lignes secondaires à l’heure. La permanence de l’offre a également été renforcée afin de faciliter la mémorisation des horaires et de correspondre aux besoins des habitants. Enfin, tous les tracés et les arrêts de bus ont été revus afin de rationaliser l’offre en facilitant leur accès par le biais d’une signalétique simplifiée et d’une modularité renforcée.

E21 : Quels outils avez-vous privilégiés ?

M.R. : Nous avons commandé plusieurs études afin de décortiquer notre temps de parcours sur chacune de nos grandes lignes. Ces études ont montré que nous perdions un quart de notre temps à faire de la vente à bord et un autre quart dans l’insertion du véhicule dans la circulation. Il est donc apparu évident que ces deux axes devaient être améliorés en priorité si nous souhaitions diminuer nos coûts. La vente à bord a été supprimée. Les bus n’ont désormais plus besoin de se garer lors d’un arrêt et obtiennent systématiquement la priorité aux feux dans l’agglomération de Belfort grâce à un système technique mis en place en accord avec la Mairie. Tout en réduisant nos temps de parcours, nous effectuons près d’un million de kilomètres supplémentaires chaque année.

E21 : Quels acteurs ont été mobilisés ?

M.R. : Le laboratoire Systèmes et Transports (SET) de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard ayant pour objectif de promouvoir et d’appliquer les travaux de recherche dans le domaine des transports, a développé pour la ville de Belfort un logiciel intitulé Metrobus. Cet outil d’analyse des flux nous a permis de mieux comprendre le réseau et de développer notre offre en conséquence. Il a également été un outil de communication et de sensibilisation essentiel en permettant aux futurs usagers de visualiser le réseau ainsi que l’offre de transport.

E21 : Comment avez-vous associé les usagers au projet ?

M.R. : Le changement suscite toujours une certaine méfiance et donc une part de mécontentement. Il était essentiel d’adopter une politique de communication globale vis-à-vis des habitants. Le projet a été dans un premier temps présenté aux 10 Conseils de quartier de la ville de Belfort. Environ 150 réunions publiques ont été menées sur l’ensemble du Territoire de Belfort. Force est de constater cependant que la majorité des personnes ne se sent pas réellement concernée tant que le projet ne commence pas à sortir de terre. Nous avons fait face à deux mois difficiles avec les usagers. Une fois le projet sorti de terre la satisfaction était au rendez-vous avec un million de voyageurs supplémentaires dès la première année.

E21 : Comment avez-vous communiqué autour du projet ? A quels outils avez-vous eu recours ?

M.R. : Nous avons opté pour une politique de communication axée sur une campagne de proximité. Nous avons constaté que les outils de communication classiques comme les campagnes d’affichages sont en fait peu productives alors même qu’elles représentent un coût important. Nous avons alors décidé d’adopter une démarche proactive où nous allons à la rencontre du client dans les rues, sur les parkings des hypermarchés, lors des évènements culturels. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que la suppression de la vente à bord sous-tend de notre part de revoir intégralement notre relation client. Nous avons donc multiplié les portes d’entrées et nous avons revu dans son intégralité la localisation de nos agences et de nos points d’information afin de les rapprocher le plus possible des usagers. Parallèlement, nous avons mis en place un numéro vert renforçant ainsi l’accessibilité de l’information pour nos clients.

E21 : Comment est née l’idée du ticket de transport par sms ?

M.R. : Avec la suppression de la vente à bord certains de nos clients se sont inquiétés de ne plus pouvoir emprunter le bus s’ils ne possédaient pas de carte d’abonnement. Il était important de trouver une solution adéquate au passager de dernière minute n’ayant pas eu le temps d’acheter au préalable son ticket de transport. La solution nous est venue à l’occasion d’un voyage d’étude au Royaume-Uni où certaines compagnies de transport en commun utilisaient depuis un certains temps un système d’e-tickets. Simple et universelle, cette solution nous a tout de suite convaincus et nous avons décidé de l’importer en France. À la suite d’un appel d’offre, Orange Business Service a développé un système d’e-tickets disponible à partir de tous les téléphones grâce à l’envoi d’un simple sms au 84100. Ce service entraine toutefois un surcoût important puisqu’à 1€50, l’e-ticket coute en moyenne 45% plus cher qu’un billet normal. Pourtant, à notre grande surprise, ce service a rapidement rencontré un vif succès avec environ 10 000 e-tickets émis chaque mois.

E21 : Quelle est la prochaine étape ?

M.R. : En trois ans seulement, nous avons réussi à démontrer qu’un changement était non seulement possible mais également souhaitable. Nous sommes donc aujourd’hui en position de proposer une meilleure complémentarité des services de transport en commun. Notre objectif est de doubler la fréquentation du réseau et d’atteindre les 15 millions de passagers. Cela impliquera une amélioration de nos services à tous les niveaux. Nous espérons ainsi réussir à cadencer nos lignes les plus fréquentées à 5 minutes au lieu de 10 minutes actuellement. Enfin, nous sommes également en train d’élargir notre offre en développant une offre de 200 vélos en libre-service et de plusieurs véhicules en autopartage.

E21 : Quelles ont été selon vous les trois clés de réussite du projet ?

M.R. : Un engagement politique fort sur des valeurs est la première condition de réussite de tout projet similaire. Il faut ensuite réussir à franchir certains seuils qui conditionnent la réussite en se donnant les moyens de ses ambitions. Il est impératif que l’on puisse répondre simultanément à l’ensemble des demandes. Dès qu’un besoin n’est pas couvert par une offre, la machine se grippe. Il faut montrer que le changement n’est pas qu’apparent mais qu’il est bien réel. Dans le cas contraire, les usagers ne seront pas au rendez-vous. Enfin, il ne faut pas se voiler la face. La clé de la réussite réside de plus en plus souvent dans la communication. Il est primordial d’expliquer le changement, celui-ci modifiant les habitudes des usagers. Pour ce faire, nous avons adopté en matière de communication les mêmes méthodes qu’utilisent les sociétés privées. Nous avons doublé notre budget en communication par quatre en l’espace de seulement de deux ou trois ans. Lorsque l’on décide de tout changer il est en effet important de devancer les attentes des habitants.

Propos recueillis par Rémy Mazet pour Eurêka 21, Juin 2011.

A découvrir bientôt également sur notre site : l’article d’Eurêka 21 intitulé "Avec Optymo, Belfort réinvente le transport en commun !"

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