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GWL-Terrein, premier projet sans voiture en Europe – L’INTERVIEW

Amsterdam, quartier Westerpark : sur l’ancien site de la compagnie des eaux de la ville, vous découvrirez un quartier écologique et sans voiture, conçu pour préserver l’environnement et pour promouvoir le lien social. Diego POS, pionnier de la vie à GWL-Terrein et membre du comité d’administration d’une association locale « parapluie », nous raconte la vie du premier quartier « car free » d’Europe.



Eurêka 21 : Comment décririez-vous la vie dans le quartier GWL-Terrein ?

Diego POS : Le quartier GWL-Terrein est un quartier vivant, où on y trouve 600 logements, des bureaux, un grand café, un restaurant et une école de sport. Les commerces, écoles et autres infrastructures se situent à deux pas, dans les quartiers voisins. La plupart des habitants se déplacent en vélo ou à pied. Pour les personnes actives, tout dépend du lieu de leur travail. A Amsterdam, beaucoup de personnes utilisent leur vélo ou le tram. Une ligne de bus partant du quartier dessert tous les points stratégiques de la ville.

E21 : Quelles sont les principales évolutions des 10 dernières années ?

D.P. : Le terrain en lui-même n’a pas beaucoup changé. Au début, les gens arrivaient en masse, un peu comme des pionniers. Ils étaient attirés par la dimension écologique du quartier. Aujourd’hui, certaines personnes ont déménagé, d’autres sont arrivées. Ces dernières ne s’installent pas nécessairement parce qu’elles sont intéressées par l’aspect écologique, mais parce qu’elles souhaitaient vivre dans un environnement agréable. Un parc a été créé de l’autre côté du canal et a rencontré un franc succès. Le quartier avoisinant est devenu plus vivant, alors qu’il était assez délaissé avant la transformation.

E21 : Comment vivent les habitants ? Existe-t-il une vie communautaire ?

D.P. : Tous les habitants adhèrent au Koepelvereiging (« association parapluie »). Les représentants de chaque immeuble s’y rencontrent et formulent des propositions. L’association embauche par exemple le concierge. C’est un bon moyen pour permettre le dialogue et faire remonter les idées en appliquant une gouvernance locale. Il y a également un forum de discussion (le leefbaarheidsoverleg) où les habitants et les organisations sont en contact avec les autorités locales et la police afin de répondre aux réclamations ou aux souhaits pratiques. Les concierges sont présents quatre jours par semaine pour empêcher la circulation des voitures au sein du quartier, pour s’occuper de la maintenance ou pour louer des équipements. Une newsletter est rédigée et envoyée deux fois par semaine aux habitants. On compte deux associations « vertes » : l’organisation louant les jardins privés et un groupe de personnes prenant soin des arbres fruitiers du quartier. Tous les ans, un tournoi de football est organisé, auquel participent de nombreuses équipes de tout âge, venant de GWL-Terrein et des quartiers avoisinants. On organise aussi annuellement une grande fête de quartier qui nous permet de nous retrouver autour d’un repas, et les différents immeubles organisent parfois leurs propres soirées. Les contacts sont en tout cas facilités puisque le quartier est piéton.

E21 : Comment avez-vous convaincu les habitants d’abandonner leur automobile au profit des moyens de transport durables ?

D.P. : Avec 100 places de parking pour six cent appartements, il n’y avait pas beaucoup de persuasion à faire. Lors de la location ou de l’achat d’un appartement, les demandes de parking sont inscrites sur une liste d’attente qui, aujourd’hui, fait déjà entre sept et huit ans !

E21 : Comment la population du quartier a-t-elle évolué ? Face à la croissance des prix du logement, la mixité sociale du quartier est-elle encore une réalité ?

D.P. : Au niveau social, les choses n’ont pas tant changé. Peu de personnes déménagent. Les nouveaux arrivants participent parfois aux activités du quartier. Les prix des appartements ont effectivement augmenté, mais c’est un phénomène concernant toute la ville d’Amsterdam. La transformation de ce secteur en un quartier vivant est aussi un facteur d’augmentation des prix, ce n’est pas qu’une question de terrain. 50% des appartements sont des logements sociaux (pour les personnes au faible revenu) pour lesquels la hausse des prix immobiliers n’a pas d’influence.

E21 : Aujourd’hui, considérez-vous que GWL-Terrein est un succès et qu’il peut être un modèle pour d’autres villes dans le pays ?

D.P. : On n’atteint jamais complètement ses objectifs. Nous en avons rempli certains : a titre d’exemple, nous avions comme but de réduire la consommation de gaz et d’électricité d’environ 50% par rapport à des logements normaux. Nous avons réussi. Mais je pense qu’aujourd’hui, toute nouvelle construction répondrait à ces critères, peut-être même mieux que nous ne le faisons actuellement. Nous étions en avance lors de la conception, mais tout va très vite. Le quartier a été construit avec les technologies dont nous disposions il y a quinze ans. Alors d’un point de vue écologique, nous sommes « dans la norme » aujourd’hui - à l’exception de l’aspect piéton, bien sûr. La plus grande réussite est finalement la réalisation d’une durabilité sociale, au travers de la création et du maintien de ce sentiment d’appartenance à un groupe dans le quartier. Les gens se sont attachés à cet espace, ils connaissent leurs voisins, se sentent concernés et participent activement à la vie commune.

Propos recueillis en Septembre 2010 par Marie Weishaupt pour Eurêka 21

A découvrir également sur notre site : l’article consacré au quartier de GWL-Terrein.

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