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Jobrotation : lorsque la formation crée de l’emploi - L’INTERVIEW

Le principe de Jobrotation est simple et pourtant innovant. Il s’agit de développer la formation des salariés en entreprise tout en favorisant la réinsertion professionnelle des demandeurs d’emploi : des demandeurs d’emploi sont positionnés sur les postes de remplacement laissés vacants par les employés en formation. Ce concept, apparu au Danemark, a fait l’objet d’un programme communautaire afin de le diffuser en Europe. Sophie Delebarre-Lorens, en charge de la mission Jobrotation au sein de la coopérative de conseils E2i, analyse pour Eurêka 21 la méthode et son implantation dans le contexte français.



Eurêka 21 : Comment avez-vous diffusé la méthode danoise Jobrotation en France ?

Sophie Delebarre-Lorens : E2i a formé un petit groupe ressource des différents acteurs de l’insertion et de la formation professionnelle. Ensemble nous sommes partis une semaine au Danemark pour nous former à la méthode Jobrotation. Chaque chef de projet, issu de ce groupe ressource, avait pour mission de faire la promotion de Jobrotation auprès des entreprises de son territoire. Il est le chef d’orchestre coordonnant l’action des différentes parties prenantes.

E21 : Qui sont les principaux acteurs ?

SDL : Les chefs de projet sont souvent des PLIE [plan local de l’insertion et de l’emploi, ndlr] ou des missions locales. Ces acteurs connaissent le mieux les demandeurs d’emploi et sont les plus à même de les sélectionner et de les mobiliser sur les postes à remplacer. D’autres acteurs de type OPCA [organismes paritaires collecteurs agréés, ndlr] vont aider l’entreprise à analyser et identifier clairement ses besoins de formation de ses salariés, mettre en place un budget en mobilisant les financements Etat ou Région, sélectionner les prestataires de la formation. Un troisième type d’acteurs regroupe les partenaires financiers et institutionnels tels les conseils régionaux ou l’ANPE, qui à l’époque avait mis en place un dispositif « stage d’adaptation à l’emploi », permettant de rémunérer le demandeur d’emploi remplaçant.

E21 : La méthode française change-t-elle beaucoup de la méthode danoise ?

SDL : Nous avons choisi comme porte d’entrée l’aspect insertion professionnelle des demandeurs d’emploi plutôt que la formation des salariés. Accueillir les demandeurs d’emploi, mettre en place des formations ou un stage en immersion dans une entreprise, mobiliser les différents types de contrats aidés, préparer aux entretiens de recrutement en entreprise, etc. Ces compétences sont particulièrement développées en France et nous ont permis de modéliser la méthode de manière détaillée. Plus qu’au Danemark, nous avons mis à disposition de la méthode une expertise en recrutement, accompagnement et qualification des demandeurs d’emploi. Il y a un tel chômage de longue durée en France par rapport au Danemark. Nous avons des gens abimés, loin de l’emploi, et c’est avec eux que nous voulions travailler. Cette problématique n’existe pas au Danemark, où le taux de chômage est faible.

E21 : Comment les entreprises ont-elles accueilli les projets Jobrotation ?

SDL  : Les projets conduits se sont bien passés. Cependant, nous n’avons pas eu suffisamment de moyens pour procéder à une réelle évaluation des projets. Nous n’avons pas pu mesurer l’intérêt de Jobrotation pour les entreprises par rapport à une entreprise d’intérim, jusqu’à quel point Jobrotation a facilité les plans de formation et les remplacements.

E21 : Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

SDL  : Dans la culture danoise, il y a une pratique et une obligation de formation des salariés, c’est un droit beaucoup plus revendiqué et intégré. En France, nous devions promouvoir l’intérêt de l’investissement en formation. Il n’est pas facile de motiver les entreprises. La méthode peut leur paraître lourde. Pour bien fonctionner, Jobrotation nécessite une gestion au cas par cas, sur mesure. Une véritable implication du chef d’entreprise est nécessaire. Pour cela, l’entreprise doit y voir son intérêt : la formation et la qualification de ses salariés indispensables à son développement, à sa diversification sur le marché. L’autre difficulté est liée à toute l’ingénierie financière : la mobilisation des outils, tels que des contrats aidés adéquats, des mesures emploi particulières… Il faut trouver un contrat support pour le temps de remplacement des demandeurs d’emploi qui ne soit pas un stage mais un véritable contrat de travail avec une rémunération.

E21 : Quels sont les facteurs de succès d’un projet Jobrotation ?

SDL  : La première condition, c’est d’aborder la méthode en gestion de projet. On doit avoir un interlocuteur unique tout au long, qui est le chef de projet. Il est primordial d’associer toutes les parties prenantes dès le démarrage au sein d’un comité de pilotage. Face à la diversité des besoins de chaque entreprise, on doit être en mesure de mobiliser l’acteur adéquat. L’implication des partenaires Etat ou Région est nécessaire tout du long car ils déterminent les contrats aidés, les mesures emploi / formation susceptibles d’être utilisés. Il faut vraiment travailler tous ensemble dès le début, pour mettre bout à bout tous les morceaux du puzzle.

Propos recueillis par Z. Tugayé, Eurêka 21
Le 22 juin 2009

Pour en savoir plus, découvrez l’article sur Job Roration.