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Villeurbanne : des jardins pour donner un nouveau souffle à son centre-ville - L’INTERVIEW

Les jardins ouvriers se redéveloppent à Villeurbanne depuis quelques années et donnent un nouveau souffle social, environnemental et esthétique à la ville. Stéphane Spatola, chargé de mission développement durable de la ville de Villeurbanne et responsable du projet répond à nos questions.



Eurêka 21 : Pouvez-vous présenter en quelques mots Villeurbanne et ses jardins partagés ?

Stéphane Spatola : Villeurbanne dispose en tout de quatorze jardins, neuf sur des parcelles appartenant à la Ville, et cinq au Grand Lyon, à des entreprises ou encore au Conseil général. La ville n’intervient pas dans la gestion de ces jardins, assurée par les jardiniers des associations locales ou départementales. Il faut savoir que la ville a une importante tradition ouvrière. La plupart de ces jardins sont donc très anciens. Ce que la ville a fait, c’est leur mise à disposition gratuite via une convention afin que ces espaces ne soient pas laissés à l’abandon.

E21 : Quelle fut la motivation de la commune pour la mise en place de ces jardins ?

S.S. : Il y a une réelle volonté de soutenir ce type de pratique individuelle y compris pour des raisons sociales. Dans la tradition ouvrière, les gens développaient ces pratiques à des fins de production potagère pour leur famille. C’est cet aspect là qu’il nous paraissait important de soutenir. D’où certains choix urbains de faire des jardins partagés plutôt que des terrains de sport ou autres. Dans les trois dernières années, Villeurbanne a créé trois jardins en milieu urbain.

E21 : Comment cela fonctionne-t-il ?

S.S. : Le principe est d’avoir deux types de parcelles. Certaines de 100m², privilégiant les familles et les habitants à proximité, et d’autres plus grandes, partagées et gérées collectivement. On s’est rendu compte qu’il y a beaucoup de jardins ouvriers gérés par d’importantes associations de l’agglomération, mais peu au niveau local. On a essayé de mieux répondre à la demande des Villeurbannais en proposant la création de jardins privilégiant les habitants et les habitants de la ville. Les parcelles partagées font, elles, l’objet d’une gestion plus communautaire du jardin et offrent des animations pédagogiques pour les enfants et les écoles.

E21 : Où se développent ces jardins ?

S.S. : Villeurbanne est presque un arrondissement de Lyon. La ville se caractérise par un centre très dense avec un fort besoin d’espaces verts. Si on laisse faire, l’urbanisation du centre-ville de Villeurbanne va s’accentuer dans certains quartiers. Il est important de résister à cette pression et de maintenir des espaces verts.

E21 : Qui finance la mise en place de ces jardins ?

S.S. : S’il y a des aménagements à prévoir c’est la Ville qui investit. C’est le plus souvent l’affaire de très peu de choses : démolir quelques murs, réorganiser un peu le terrain, installer quelques cabanes et puits de captage d’eau… nous assurons une livraison « clé en main » pour l’association qui en assurera la gestion.

E21 : Comment les habitants participent-ils à la mise en place des jardins ?

S.S. : Les résidents sont consultés en amont. On écoute les idées de la population locale dans les conseils de quartiers. La mairie émet des propositions qu’elle leur soumet.

E21 : Quel est l’impact environnemental de ce genre d’opérations ?

S.S. : Les chartes de fonctionnement des associations ont des clauses environnementales sur les pratiques : eau d’arrosage, récupérateurs d’eau de pluie, pas de pesticides, pas d’engrais de synthèse, du compost, des pratiques respectueuses. On leur demande d’aménager les abords des jardins. Esthétiquement il faut être vigilants et imposer de la rigueur aux occupants des jardins. C’est pourquoi nous avons des chartes dans l’occupation des jardins. La cabane ne doit pas être habitée, dépasser une certaine taille, ne doit pas être chauffée, etc. Il doit y avoir une uniformité des constructions. Nous devons éviter les dérives ou par exemple la transformation des cabanes en lieux d’habitation.

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E21 : Et l’impact social ?

S.S. : Il est difficile d’évaluer les changements sociaux générés par ces jardins. Ce qui est indéniable, c’est que la production potagère est non négligeable et permet aux familles un vrai soutien économique. On observe aussi des familles en difficultés, reprenant confiance via l’exploitation de ces jardins, C’est un élément psycho-social très important. Enfin, ces jardins sont un milieu d’échange, de rencontre où les habitants se réapproprient l’espace public en le valorisant.

E21 : Quels sont les facteurs de réussite de cette opération ?

S.S. : Le plus important, c’est de travailler avec la population. Il faut se rappeler que ce sont des espaces ayant vocation à être utilisés par les habitants eux-mêmes. C’est essentiel d’aller à leur rencontre, de les consulter pour répondre à leurs attentes, tout en leur imposant les règles du jeu. Si vous faîtes des jardins dans un quartier où il y a d’autres problèmes plus importants, cela n’a pas de sens.

E21 : Qu’est-ce qui peut venir perturber ce succès ?

S.S. : Il faut être vigilant sur le communautarisme. Les jardins doivent rester ouverts, vivants et que la mixité sociale y soit présente. Ils doivent aussi être des espaces esthétiques, agréables à regarder, des espaces attractifs.

E21 : Quels sont pour vous les trois mots qui viennent définir les enjeux des jardins partagés ?

S.S. : Un des principaux enjeux est d’introduire la nature dans la ville, que les gens se rappellent l’origine des aliments, de reconnecter les modes de vie urbains avec une idée de nature. L’autre enjeu est la dimension sociale et conviviale. Il faut que le projet soutienne la vie locale, associative, solidaire, et rapproche les gens. Ces jardins sont à mon sens une très bonne manière de valoriser l’espace public local.

E21 : Que conseilleriez-vous à une ville souhaitant mettre en place des jardins partagés ?

S.S. : Je dirais que cela demande peu d’argent, et rend les gens heureux ! Il faut se lancer tout en prenant le temps de construire le projet avec les résidents et d’assurer une animation à l’ouverture des jardins. Si le jardin est créé de toute pièce par la ville, cela ne marche pas aussi bien. Il faut susciter et créer une dynamique locale, s’assurer l’appropriation de l’espace, du fonctionnement des jardins par les habitants des quartiers.

Cédric Burgun pour Eurêka 21, Mars 2010.

A découvrir également sur notre site : l’article d’Eurêka 21 sur les jardins de Villeurabanne !

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