Eurêka 21, blog de développement durable, en français Eurêka 21 in english
Les article sur le développement durable

Connected Cities : coopération européenne pour une mobilité plus durable

25 partenaires de dix pays européens ! Dans le cadre du programme Interreg IIIC, le projet Connected Cities organise une coopération transnationale à grande échelle afin de développer et d’échanger les meilleures pratiques européennes de transport durable. Au programme : conférences, showcases, ateliers…



Ancona conference
Entretien avec Frank van der Hoeven, Directeur de recherches à la Faculté d’architecture de l’Université des technologies de Delft, chef de file du projet.

Eurêka 21 : Votre projet en quelques mots…

Franck Van Der Hoeven : Connected Cities est un projet monté dans le cadre du programme européen Interreg IIIC. De 2005 à 2007, pour une période de deux ans et demie, 25 partenaires ont partagé leurs savoir-faire et expériences sur les questions de mobilité durable et sur leur impact sur le développement territorial au niveau local et régional. Notre activité était celle d’un réseau. Notre objectif était de développer des échanges entre les partenaires et de promouvoir la coopération. Nous avons organisé des conférences et des ateliers, nous avons mis en place un site Internet, réalisé des magazines ainsi qu’un guide des meilleures pratiques de constructions souterraines.

E21 : Comment avez-vous identifié vos partenaires ?

FVDH : Nous sommes partis avec un noyau dur de partenaires qui se composait d’instituts de recherches et d’universités de quelques pays d’Europe du Nord. Chaque partenaire a mobilisé son propre réseau pour étendre le partenariat. Nous avons également lancé un appel à partenaires sur notre site Internet, auquel ont répondu des organismes grecs, portugais et italiens. A ce stade, nous avons soumis notre projet à un appel à proposition du programme Interreg IIIC. Mais le Secrétariat Technique Conjoint nous a fortement conseillé d’inclure plus de collectivités territoriales. Soit nous abandonnions nos premiers partenaires, soit nous élargissions le partenariat. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à 25 partenaires.

E21 : Comment s’est organisée la coordination entre les différents partenaires ?

FVDH : A 25 partenaires, cela a été un vrai casse-tête. Nous avons géré ce projet d’une manière décentralisée. Quelques uns de nos partenaires les plus impliqués ont joué un rôle de coordination. Cela a été le cas de l’Université de Thessalie en Grèce, de l’Institut Pedro Nunes pour l’Innovation et Développement des Sciences et Technologies au Portugal, de la Ville d’Ancône en Italie, etc. Les autres partenaires ont participé à travers les showcases [projets et expériences dont les résultats sont destinés à être exposés, ndlr] qu’ils ont eux-mêmes organisés sur le thème de leur choix. Les différents partenaires se partageaient à tout de rôle d’animation du projet au niveau local, et l’université de Delft était en charge de la coordination globale du réseau. Nous organisions tous les six mois un comité de pilotage comprenant l’ensemble des partenaires. Nous avons toujours combiné le comité de pilotage avec l’organisation d’ateliers et de conférences et celui-ci se déplaçait à chaque fois de partenaires en partenaires. Nous ne sommes jamais parvenus à réunir la totalité des partenaires, mais les absents étaient consultés par email pour obtenir leur consentement sur les principales questions.

E21 : Quels sont les showcases qui vous ont semblé les plus emblématiques ?

FVDH : Le projet Stendenbaan a donné lieu à un showcase très intéressant. L’aile sud de la région de Ranstad aux Pays-Bas, à l’origine composée de plusieurs zones urbaines séparées, a progressivement évolué en une grande métropole unique. Le réseau routier et de transports publics n’a pas été à la hauteur de ce développement urbain et ne pouvait répondre à la demande croissante en transport. Il ne s’agissait pas uniquement d’améliorer les réseaux de transport, mais aussi de réfléchir à l’aménagement du territoire avec la construction de logements, de bureaux, et la mise en place de services autour des stations et gares nouvellement créées. Un autre showcase essentiel traitait de la connexion entre trois villes : Eindhoven aux Pays-Bas, Louvain en Belgique, et Aix-la-Chapelle en Allemagne. Il posait la question d’une gestion transfrontalière des réseaux de transport. Le Showcase « Paratransit » en Grèce a développé un système de minibus se caractérisant par la flexibilité de ses horaires et de son itinéraire. Il offre un service de transport à la demande. Ce showcase a soulevé des problématiques fondamentales sur le service de transports publics en milieu rural à faible densité. Brussels worshop

E21 : Comment les showcases ont-ils été sélectionnés ?

FVDH : L’appel à propositions dans la procédure Interreg exigeait d’être précis sur les actions envisagées. Les showcases étaient donc définis à l’avance et étaient peu flexibles après l’acceptation du projet. La procédure de changement était relativement contraignante et nécessitait l’accord du STC.

E21 : Le concept de mobilité durable a-t-il la même signification pour tous les partenaires ?

FVDH : Lorsque nous avons commencé à discuter avec nos partenaires italiens, grecs, espagnols ou portugais, nous nous sommes rendus compte que leur compréhension des problématiques de mobilité durable et de développement territorial était très différente de la notre. La Grèce, par exemple, n’a pas de réseau ferroviaire à proprement parler. Il existe une voie ferrée entre Thessaloniki et Athènes, et Athènes a désormais une ligne de métro, mais c’est à peu près tout. Nos partenaires de l’Ouest et du centre de la Grèce sont confrontés à des difficultés à l’opposé de celles rencontrées par les pays d’Europe du Nord. Aux Pays-Bas, nous réfléchissons sur les problématiques de congestion de la circulation, de sécurité. Nous avons découvert que la Grèce et le Portugal sont plutôt confrontés à un manque de moyens de transport, et non à la saturation des réseaux. Nous avons pris conscience de la dimension sociale des questions de mobilité durable. La coopération transnationale permet à chaque partenaire de prendre en compte différentes dimensions dont il n’avait pas conscience auparavant.

E21 : Quels sont les avantages de la coopération transnationale ?

FVDH : Un projet transnational tel que Connected Cities permet une prise de conscience sur des sujets qui ne sont pas au cœur des grands débats sociétaux. Les régions de Thessalie et de Eindhoven ont su tirer le meilleur parti de cet avantage. La Région de Eindhoven a compris que le réseau était un moyen d’aborder des problèmes essentiels mais ne faisant pas partie des priorités des politiciens locaux. La Région de Thessalie a pu provoquer un débat sur les liens entre les deux villes de Volos et Larissa autour d’un projet de « dipôle », à savoir un rapprochement des deux villes pour former une conurbation. Les deux villes ont lancé des projets communs, telle l’organisation conjointe des Jeux Méditerranéens de 2013. De plus en plus de personnes sont amenées à parcourir les 50 kilomètres entre les deux villes. La Région de Thessalie a organisé un showcase sur le développement des infrastructures reliant Volos et Larissa.

E21 : Quelles difficultés avez-vous rencontrées  ?

FDHV : Le partenariat était très large. Nous devions assurer un effort continu pour garantir l’implication de tous nos partenaires dans les activités du réseau. Par exemple, nous avons rencontré des problèmes avec la région de Patras, à l’Ouest de la Grèce. Ils s’étaient engagés dans trop de projets à la fois et n’avaient pas suffisamment de personnel. Ils ont pris part aux premiers événements mais ont dû abandonner le projet en cours de route. Le partenaire Transport for London ont quant à eux résolu ce problème en engageant un bureau d’études avec qui ils avaient l’habitude de travailler. Ce bureau d’étude a pris part au projet en représentant l’entreprise Transport for London, qui n’intervenait que dans les moments cruciaux.
Covilha Press

E21 : Les différences de cultures ont-elles affecté le projet ?

FVDH : Bien sûr. Dans les pays du Sud de l’Europe, les élections ont souvent représenté un obstacle que je n’avais du tout anticipé. Un de nos partenaires pouvait disparaître du projet après des élections car il ou elle venait du mauvais parti politique. Par exemple, la commune italienne d’Ancône a connu des élections ayant donné naissance à une nouvelle coalition. Tous contacts et relations ont brusquement été interrompus jusqu’à ce que l’ancien maire réintègre l’équipe municipale. Une situation semblable s’est produite en Espagne, à Toledo, mais aussi en Grèce ou au Portugal. Les pays du Sud sont beaucoup moins formels dans leurs méthodes de travail. A Ancône, par exemple, après le Comité de pilotage, nos partenaires nous ont emmenés dîner dans un restaurant ordinaire. A ma grande surprise, le Maire est entré au cours du repas. Nous avons été présentés et nous nous sommes mis à bavarder. Dans d’autres pays, le processus politique est différent, plus stable mais aussi plus lent. Il faut du temps avant d’obtenir l’implication de municipalités françaises, hollandaises, anglaises ou allemandes. Vous ne pouvez pas parler directement au maire, vous devez passer par toute une hiérarchie administrative. Les partenaires du Sud sont plus réactifs, ce qui est très pratique, mais ils peuvent aussi soudainement abandonner un projet à la suite de rebondissements politiques.

E21 : Qui sont les partenaires financiers ?

FVDH : Le projet bénéficiait d’un budget total de 1,3 millions d’euros, dont 0,8 millions d’euros provenaient du FEDER. Aux Pays-Bas, le Ministère du Logement, du Développement Territorial et de l’Environnement, responsable des projets Interreg, accorde des subventions tant que le projet est en accord avec la politique nationale. Dans notre cas, l’Union européenne a financé notre projet à hauteur de 50%, 25% étaient pris en charge par le Ministère et nous avons nous même financé les 25% restant. Mais tous les pays ne reçoivent pas de subventions égales. La plupart de nos partenaires sud européens ont reçu un financement du FEDER à hauteur de 75% de leur projet. Et l’Etat national complète généralement les 25 autres pourcents. C’est pourquoi, les régions et municipalités grecques, par exemple, prennent volontiers part à ce genre de coopérations, qui leur permettent de réaliser des projets qu’ils n’ont habituellement pas les moyens de financer.

E21 : Vos conseils pour réussir ?

FVDH : En tant que chef de file, la principale difficulté est de garantir une implication constante de tous les partenaires. Une solution peut être de déléguer une partie de vos responsabilités à un certain nombre de partenaires. Mais vous devez toujours garder une vision globale des projets en cours. La plupart du temps ; c’est un problème de transmission du projet lorsqu’une personne quitte son organisation. L’absence de répondant de la part d’un partenaire peut être le signe que celui-ci rencontre des difficultés. En Espagne, des tensions entre la municipalité de Toledo et la région de Castilla La Mancha ralentissaient le projet. Nos partenaires ont tenté de nous cacher le problème et de le résoudre par eux-mêmes. Il n’y a pas de solution toute faite à ce genre de situations. La meilleure chose à faire est de se déplacer. Lorsque vous avez autour d’une table plusieurs personnes avec des capacités différentes, vous pouvez facilement identifier le bon interlocuteur.

E21 : Quelles sont les perspectives du projet ?

FVDH : Lors d’un appel à propositions pour Interreg IVC, nous avons soumis un projet dans la continuation de Connected Cities, avec un partenariat réduit. Mais notre projet n’a pas été sélectionné. La compétition pour les projets Interreg est de plus en plus forte. Pour 480 projets soumis, seuls 45 ont été retenus. Nous avions intégré des marges de changement dans notre budget pour que le projet soit plus flexible, mais cela n’est pas conseillé. Quoiqu’il en soit, certains travaux de Connected Cities vont être développés dans de nouveaux projets, mais nous n’avons pas encore déterminé le programme de financement.

E21 : Trois mots pour illustrer votre aventure ?

FVDH : Voyager, apprendre et échanger.


Propos recueillis le 5 août 2009 par Zita Tugayé, Eurêka 21

Pour en savoir plus :
Le site de cette expérience
Une autre fiche de présentation

PDF - 343.8 ko
Interview version imprimable