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Un bus à la demande en milieu rural - L’INTERVIEW

En 2004, le District de Heinsberg en Allemagne lance un projet pilote devant mettre en place un moyen de transport en commun adapté au monde rural. « Multibus » est l’un des tous premiers systèmes de transport à la demande au monde. Michael Kuprat, expert chez HHS, bureau d’études en charge de la coordination du projet, revient sur les promesses et les défis de cette expérience réussie.



Eurêka 21 : Concrètement, comment le système « Multibus » fonctionne-t-il ?

Michael Kuprat : “Multibus” est un service de transport public à la demande. Il adapte son itinéraire et ses horaires de passage à chaque usager. Un Multibus peut contenir entre dix et douze personnes, mais chaque trajet comporte un minimum de quatre passagers. Il n’existe pas de lignes, c’est un mode de transport de porte à porte. Les points de ramassages se situent tout près du domicile des usagers, qui passent leur commande au moins une demie heure avant le trajet par l’intermédiaire d’un centre d’appel. Un logiciel permet d’optimiser l’itinéraire des minibus. Le conducteur est tenu informé par SMS du trajet final. Les Multibus effectuent un cercle reliant les trois communes desservies et font de légers écarts pour récupérer les clients sur leur passage. Les usagers peuvent rejoindre n’importe quelle destination au sein de la zone desservie, qui est aussi reliée au réseau de transport en commun. D’ailleurs le service est complètement inclus dans le système de transport public. Les mêmes tarifs sont appliqués.

E21 : Dans quel contexte le projet est-il né ?

MK : “Multibus” est l’un des projets pilotes du programme de recherche ministériel : “Les transports publics et la Région”. Le Ministère allemand de l’Education et des Sciences a lancé un appel à propositions, auquel nous avons répondu en partenariat avec l’entreprise publique de transports en commun « WestEnergie und Verkehr ». Il y avait un réel besoin en transport et mobilité en milieu rural. Pour commencer, nous avons choisi comme champ d’expérimentation les trois plus petites communes du district de Heinsberg : Gangelt, Selfklant et Waldfeucht. Elles comprennent environ 10 000 habitants chacune.

Qui sont les principaux acteurs du projet ?

MK : Ce sont l’entreprise publique WestEnergie und Verkehr, la collectivité territoriale de Heinsberg et nous mêmes. Notre bureau d’études a eu l’idée et a coordonné le lancement du projet. Westenergie a testé le service des multibus avec les conducteurs ayant leur propre véhicule. Aujourd’hui, le système est complètement géré par WestEnergie und Verkehr.

E21 : Et les résultats ?

MK : Il a fallu un an pour mettre en place le service d’un point de vue opérationnel. Nous avons commencé avec une flotte de quatre Multibus dans trois villes. Aujourd’hui nous avons près de 15 Multibus et transportons 50 000 personnes par an. Le service s’étend maintenant à tout le district de Heinsberg pendant les weekends. Cela représente une population de plus de 250 habitants. Si Multibus ne clame pas être une alternative complète à la voiture, il contribue à réduire l’usage des voitures privées.

E21 : Les plus grandes difficultés ?

MK : La loi allemande sur les transports en commun, le « Personenbeförederungsgesetz » a été notre principal problème. Le cadre légal n’était pas adapté à « multibus », qui était un service innovant. Cet acte stipulait que seul un réseau de lignes fixes, avec un horaire de passage et des arrêts pré-définis, pouvait être subventionné. Les Multibus n’étaient donc pas éligibles aux fonds publics ou à un co-financement. Heureusement, nous avons trouvé une solution avec la Région en 2002. La loi a pu être adaptée dans le cadre de « Multibus ». Sur ce plan, notre partenariat avec WestEnergie und Verkehr et la collectivité locale de Kreis Heinsberg a été un soutien déterminant.

E21 : Quelles sont les clés pour réussir ?

MK : Le principal facteur de succès est l’engagement sérieux de tous les partenaires, ainsi que le soutien politique de la part de la collectivité. Ils doivent investir suffisamment dans ce système pour constater des résultats effectifs et pour avoir la chance de développer un nouveau mode transport réellement adapté au milieu et pouvant constituer une alternative à la voiture. Il faut prévoir une campagne d’information importante, c’est aussi beaucoup une question de marketing.

E21 : Quelles perspectives pour “Multibus” ?

MK : “Multibus” se développe étape par étape. Maintenant, il y a 11 multibus. Cette expérience est transférable dans toute autre region d’Europe, aussi bien en zones rurales qu’en zones urbaines. Nous envisageons aujourd’hui d’intégrer un service de livraison à notre service qui combinerait le dépôt de passagers et de colis, afin d’améliorer la rentabilité. Nous cherchons des partenaires pour piloter cette nouvelle experimentation. Une autre perspective est bien sûr la conversion de notre flotte au biodiesel.

Propos recueillis le 20 juillet 2009 par Zita Tugayé, Eurêka 21

Pour en savoir plus :
Découvrez l’article de Eurêka 21 associé à cet interview.

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