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Hjortshoj : un village éco-citoyen exemplaire ? – L’INTERVIEW

Situé au Danemark à proximité d’Aarhuss, deuxième ville du pays, Hjortshoj est un village tourné vers l’écologie et le développement durable. Construit à la fin des années quatre-vingt, l’éco-village de Hjortshoj n’est toutefois pas un éco-village comme les autres. Pierre Lecuelle, habitant de la localité depuis plus de vingt ans nous explique le caractère unique de ce village atypique de deux cent cinquante habitants.



Eurêka 21 : Comment est né le projet à Hjortshoj ?

Pierre Lecuelle : Le projet est initialement issu de la rencontre de plusieurs personnes lors d’un cours du soir à l’université populaire d’Aarhus, autour des thématiques de l’écologie, la démocratie participative et l’agriculture locale. Ces cours réunissaient en moyenne par soir 50 à 70 personnes d’horizons diverses. C’est au cours d’un débat autour de l’éco-habitat que deux personnes ont lancé l’idée de créer par nous-mêmes un éco-village. L’idée derrière ce projet était de montrer que l’on pouvait faire les choses autrement.

E21 : Quelles ont été les premières étapes ?

P.L. : Le projet a nécessité pas moins de trois années de travail préparatoire. Plusieurs groupes de réflexion ont été formés autour de thématiques aussi diverses que le traitement des déchets, l’économie d’énergie et la construction d’habitations basse énergie. Chacun était libre d’adhérer aux groupes qui l’intéressaient. Tous les mois nous organisions une réunion plénière lors de laquelle nous discutions et débattions des avancées de chaque groupe. Une fois notre réflexion à maturité, nous avons validé une charte définissant clairement l’enjeu et l’objectif de notre démarche.

E21 : Comment avez-vous été reçus par la Mairie d’Aarhus ?

P.L. : Nous avons été extrêmement bien accueillis par la municipalité. Toutefois, il faut souligner que le contexte de l’époque nous était dès plus favorable. La Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies venait en effet de publier le Rapport Brundtland intitulé « Notre Avenir à Tous » qui définissait la politique nécessaire pour parvenir à un développement durable. De plus, le Sommet de la Terre devait se tenir l’année suivante à Rio de Janeiro. La commune a donc été très réceptive à notre démarche, pouvant être potentiellement source d’enseignement pour l’avenir. La ville nous a donc proposé trois lots d’une centaine d’hectares dans trois villages différents pouvant accueillir un éco-village de 500 personnes en autosuffisance à une dizaine de kilomètres du centre-ville. Plusieurs réunions d’information ont été organisées au sein de chaque village afin de présenter notre démarche aux habitants qui, au travers d’un vote, devaient se prononcer sur l’intérêt de notre projet.

E21 : Comment la Mairie a t-elle facilité vos démarches ?

P.L. : Le rôle de la commune a été assez limité. La Mairie a accepté de nous garantir l’accès à un terrain d’une centaine d’hectares que nous lui rachetons par parcelles au fur et à mesure de l’avancement du projet. Au-delà, elle ne fait que faciliter l’obtention de certaines autorisations et dérogations comme pour la construction de maisons en terre crue ou la création de toilettes à compost. La municipalité n’intervient réellement qu’en dernier recours, ce qui nous a obligé d’être très professionnels dans notre démarche et d’adopter constamment une approche d’expert. Ceci nous permet de prendre le temps de nous assurer de la fiabilité et de la pertinence de chacun de nos projets. L’obtention des autorisations de construction des premières maisons du village en terre crue a nécessité près de 3 ans.

E21 : Comment l’éco-village s’intègre t-il à la commune de Hjortshoj ?

P.L. : Dès le départ, nous avons souhaité ne pas transformer le projet en un ghetto de sympathisant à la cause écologiste. Nous avons d’évité de construire des infrastructures déjà existante au sein de la commune, à l’instar des écoles. Ceci fut un facteur d’intégration non négligeable, d’autant plus que nous avons tout tenté pour faire de l’éco-village un lieu ouvert vers l’extérieur. L’ensemble des événements de l’éco-village est accessible à tous les habitants de Hjortshoj qui peuvent y assister mais également y participer. L’activité maraichère est cogérée par des habitants issus aussi bien de l’éco-village que d’autres quartiers de Hjortshoj. Pensée comme une expérience visuelle visant à provoquer un vécu différent de la nature, l’activité maraichère constitue un événement culturel vecteur de cohésion et de solidarité au sein de Hjortshoj. Elle permet de reconstituer une interface entre la ville et la campagne extrêmement appréciée des riverains. Au fil du temps, l’éco-village est devenu quasiment le cœur même de la ville.

E21 : Comment se déroule la cohabitation entre les différents groupes au sein de l’éco-village ?

P.L. : L’éco-village est structuré en huit groupes distincts qui se réunissent régulièrement afin de déterminer les investissements à entreprendre au sein de chaque groupe d’habitations. Ces réunions permettent également de résoudre en interne les conflits et les tensions pouvant subsister. Une réunion plénière est aussi organisée tous les mois. Ces rencontres mensuelles permettent de prendre des décisions en matière de dépenses exceptionnelles pouvant bénéficier à l’ensemble de la communauté. Elles sont aussi l’occasion pour les habitants de présenter leurs idées de projets. En règle générale, l’ensemble des projets présentés reçoivent un avis favorable. Aussi, il est rare qu’un projet n’acquiert pas rapidement le soutien d’une ou deux personnes. En valorisant la prise d’initiative, on permet aux habitants de reprendre confiance en eux et de s’intégrer plus aisément grâce à la participation accrue au fonctionnement et à la vie du village. Il existe au sein de l’éco-village plus d’une quarantaine de groupes de travail autonomes gérant autant de projets citoyens.

E21 : Quels sont les clés du succès ?

P.L. : Les habitants ont parfaitement réussi à créer un lieu exceptionnel de solidarité et de convivialité incitant chacun à s’investir. Ceci tient en grande partie au fait que les initiateurs du projet n’ont jamais tenté d’imposer leurs idéaux aux autres. Chaque nouvelle famille s’installant à Hjortshoj détermine ses propres priorités. C’est ainsi que les premiers groupes à s’être installés ont principalement axé leur démarche sur les éco-matériaux alors que les derniers groupes se sont davantage préoccupés des questions de consommation d’énergie. Au final, c’est au village de s’adapter à ses habitants et non pas le contraire.

Propos recueillis pour Eurêka 21 par Rémy Mazet, Juin 2011

A découvrir bientôt également sur notre site : l’article consacré à l’écovillage de Hjortshoj.

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